Militant de la LCR puis du NPA, Régis a été de tous les combats à Canteleu, dans la banlieue rouennaise, et notamment de l’aventure de 100 % à gauche, un regroupement politique unitaire qui pendant 18 ans a marqué la vie politique locale. Voici le petit texte lu à son enterrement fin septembre.
« Régis n’aimait pas beaucoup les discours amidonnés ! Et moi, Dieu sait que j’aurais aimé ne pas avoir à prononcer ces quelques mots dictés par la mort. Mais presque 30 ans d’amitié et de militantisme commun à Canteleu, je ne pouvais pas y échapper. Alors, quelques images de Régis… Les doigts tachés par la cigarette, attablé au café, avec ses amis de Canteleu, avec Riquette, sa compagne, en train de refaire le monde. Ma grande surprise quand il demandait une feuille de salade pour nourrir son escargot de compagnie. Une fête de la LCR avec Alain Krivine, une grande tablée et une discussion sans fin sur Mai 68 et le mouvement étudiant, où notre amitié a commencé. Sa passion pour l’histoire : incollable sur Napoléon III ou les guerres vendéennes. Tout ça, en toute modestie, mais l’œil toujours pétillant. Régis était un vrai puits de sciences sur l’histoire.
Attablé devant une bouteille lors de ces repas qu’on avait l’habitude de faire, en train de rouler une cigarette, et de raconter ses multiples vies de travail. Il avait fait tous les boulots : croque-mort, vendeur de vin, calorifugeur, aide-soignant aux Papillons blancs… Souvent travail varie, mais toujours fidélité en amitié et en politique.
Son sourire qui s’allumait quand on parlait de la Bretagne. Il préférait, je crois, celle des forêts, des lacs et des petits chemins. On le charriait souvent. Dans ces paysages, ses cendres vont peut-être se retrouver.
Une photo pour la campagne municipale de 100 % à gauche. Une crinière blanche, un air un peu bougon, le regard malicieux. Des nouvelles d’Alexis et de Sandra, ses enfants, qu’il ne manquait jamais de me donner, et dont il était très fier.
Il me parle sans broncher de son cancer et de la fin qui avance. J’ai envie de lui faire plaisir. On passe une matinée à retrouver et écouter les musiques bretonnes. Celles qui parlent d’une institutrice qui a épousé un divorcé, des filles des forges de Paimpont en grève ou de la blanche hermine. Sur son lit médicalisé, il y a encore deux semaines, ce même regard mi-gourmand mi-malicieux en me racontant avoir veillé pour regarder à la télévision les coups pris par Trump lors du débat avec Kamala Harris. Enfin son sourire, en me reconnaissant à l’hôpital pour une dernière visite.
C’était tout ça Régis, un ami, un camarade… Kenavo Régis ! »
Frank Prouhet