Publié le Mardi 27 avril 2021 à 19h38.

Candidature d’Anasse Kazib et campagne du CCR-Révolution permanente: une offensive contre le NPA

Dimanche 4 avril, le Courant communiste révolutionnaire (CCR) a décidé de rendre publique la « pré-candidature » d’Anasse Kazib à la présidentielle de 2022, déclarant la « verser aux débats » du NPA. Depuis, une campagne publique est menée par Anasse et le CCR, au moyen notamment du site Révolution permanente (articles, vidéos, etc.), dans laquelle il est entre autres expliqué que la démarche engagée serait somme toute banale et que les critiques venues du NPA seraient infondées, illégitimes, voire « déloyales ». Cette « pré-candidature » et cette campagne ayant un écho relatif, notamment dans les milieux militants de la gauche radicale, qu’elle soit sociale ou politique, nous avons décidé de rédiger ce texte afin de revenir sur quelques contre-vérités répandues ces dernières semaines et de préciser les raisons de la forte opposition, au sein du NPA, à la démarche entreprise par Anasse Kazib et le CCR-Révolution permanente.

« Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages »

Le problème n’est ni la personnalité d’Anasse ni le fait que la démarche serait inédite. Ce qui est en jeu est une façon de faire de la politique, une manière de concevoir les rapports militants et un certain type de projet organisationnel.

Autant le dire d’emblée : l’histoire colportée par le CCR-Révolution permanente, selon laquelle la démarche entreprise se ferait dans le respect du fonctionnement du NPA et de ses militantEs, ne convainc personne dans le NPA, à l’exception des membres… du CCR-Révolution permanente. Et pour cause : l’annonce publique de la « pré-candidature » d’Anasse Kazib et la campagne publique qui est menée depuis constituent de facto une rupture avec les principes du NPA, son fonctionnement et ses modalités de prise de décision, entre autres concernant les candidatures à la présidentielle.

Le NPA — comme avant lui la LCR — n’a jamais fonctionné avec un système de « pré-candidatures » individuelles, a fortiori annoncées à l’extérieur de notre organisation, et ce pour au moins deux raisons : le rejet de la personnalisation et la volonté de garantir au maximum aux militantEs du NPA la possibilité de faire leurs choix démocratiquement et sans pression extérieure.

Des centaines de militantEs ont ainsi été choqués qu’un membre du NPA annonce lui-même, en premier, publiquement, sur son compte Twitter, sa propre « pré-candidature » à la présidentielle, après l’avoir « teasée » pendant plusieurs jours. Annonce suivie deux jours plus tard d’un « communiqué de presse officiel » signé d’Anasse lui-même et rédigé à la première personne (avec 19 « je » dans ledit communiqué)… 

Soit le comble de la personnalisation, que nous avons toujours combattue tant elle est contradictoire avec l’idée même que nous nous faisons du combat politique et des luttes pour l’émancipation. Soit, aussi, une adaptation au petit jeu politicien de la Ve République où les déclarations individuelles de candidature se succèdent sur la place publique, dans une logique plébiscitaire bien éloignée des traditions de la gauche révolutionnaire. 

Et il ne suffit pas, comme on peut le lire dans ledit « communiqué de presse officiel », de prétendre se référer à la Commune de Paris, citation de l’appel du comité central de la garde nationale à l’appui, pour faire illusion : « Ceux qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux ». Certes. Mais c’est dommage d’avoir oublié la suite : « Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c'est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. »

Une rupture avec les principes démocratiques élémentaires

Cette « pré-candidature » et l’ultra-personnalisation « fondatrice » qui l’accompagne sont en rupture avec non seulement le projet politique et le fonctionnement du NPA, mais plus largement avec bien des acquis du mouvement ouvrier. Il n’est dès lors guère surprenant que la méthode choisie par le CCR-Révolution permanente, à savoir mener une campagne publique — et donc en extériorité à notre organisation — soit elle aussi en rupture avec nos principes et notre fonctionnement, et plus généralement avec ceux de la démocratie la plus élémentaire. 

Comment peut-on en effet raisonnablement envisager que nous ayons un débat et un processus démocratiques au sein du NPA si, dès le départ, ce processus est mis sous la pression d’une campagne menée pour et avec l’extérieur ? Nous n’avons jamais procédé de la sorte, et pour cause : un parti qui fonctionne de manière démocratique doit être libre de ses choix, ce qui ne signifie évidemment pas qu’il évolue en étant étanche au monde et aux pressions extérieures, mais qu’il se dote des outils pour pouvoir résister au mieux à ces pressions et prendre ses décisions collectivement et démocratiquement. La campagne lancée par le CCR va exactement à l’inverse : il s’agit ni plus ni moins que de favoriser ces pressions en entretenant délibérément la confusion entre une campagne externe, à propos de laquelle le tout-venant est invité à se prononcer, et un processus de discussion/décision interne qui regroupe les seuls militantEs du NPA.  

Une candidature du NPA pour la présidentielle ne peut être légitime qu’à l’issue d’une conférence nationale du NPA, préparée dans les comités du NPA. Mais au-delà, la logique des primaires ne faisant pas partie de notre logiciel politique, le choix d’une candidature doit être précédé d’un débat sur l’orientation et le projet, impliquant l’ensemble des membres du parti, et certainement pas d’une course de petits chevaux entre « pré-candidatEs », à moins de vouloir importer les logiques d’écurie dont on mesure les effets dans la plupart des partis institutionnels. 

Une offensive contre le NPA

De manière plus globale, ce à quoi nous assistons n’est rien d’autre qu’une offensive en règle menée contre le NPA par un groupe politique autonome, le CCR-Révolution permanente, qui envisage en réalité la « pré-candidature » d’Anasse Kazib comme la rampe de lancement d’une nouvelle organisation, un « Parti révolutionnaire des travailleurs », les membres du CCR expliquant et écrivant qu’ils et elles entendent aller « jusqu’au bout ».

La démarche actuelle du CCR est cohérente avec le comportement que ce groupe a adopté depuis de longues années vis-à-vis du NPA, duquel les militantEs du CCR sont formellement membres mais tout en s’organisant de manière séparée : réunions « Révolution permanente », organisations étudiante et féministe autonomes (« le Poing levé » et « Du pain et des roses »), articles et vidéos publiés sur le média « Révolution permanente » sans jamais rien proposer aux médias du NPA, etc. Le NPA est en réalité envisagé non comme un outil commun à construire mais comme une organisation dont il s’agit de tirer profit pour ses propres intérêts de boutique, en bénéficiant notamment de son logo, de son influence, de sa trésorerie, de la popularité de ses porte-parole, etc.

Ce ne sont donc pas de simples divergences d’analyse qui expliquent la forte opposition, au sein du NPA, à la démarche entreprise par Anasse Kazib et le CCR-Révolution permanente. Et des divergences d’analyse, nous en avons ! Le CCR a notamment une tendance, malheureusement pas nouvelle dans une certaine extrême gauche, à résumer les difficultés auxquelles notre camp social est confronté aux « trahisons » des principales organisations de la gauche sociale et politique, et à proposer comme unique perspective le regroupement des éléments les plus révolutionnaires de la classe ouvrière dans un parti sous la conduite duquel l’ensemble de la classe pourrait relever la tête. Des raccourcis séduisants, mais qui sont générateurs d’illusions — et de déceptions ! —, et qui impliquent en outre des pratiques sectaires dans les mobilisations sociales, qu’il s’agit toujours de « découper » entre les plus et les moins « radicaux », ainsi qu’un refus de la construction loyale de toute structure de base (syndicat, collectif, association, coordination…) si elle n’est pas sous la direction exclusive des militantEs révolutionnaires. Nombre de camarades du mouvement social qui ont été confrontés aux pratiques du CCR savent de quoi nous parlons et peuvent imaginer ce qu’elles représentent, au quotidien, dans une organisation politique.

Un point de non-retour

Des divergences d’analyse peuvent cohabiter au sein d’un même parti dans la mesure où elles ne débouchent pas sur des pratiques concurrentes, voire contradictoires, et surtout dans la mesure où chacunE s’astreint à respecter des règles de fonctionnement commun. Le CCR-Révolution permanente a depuis longtemps renoncé à ces deux principes élémentaires, et vient de passer un cap supplémentaire avec l’annonce publique de la « pré-candidature » d’Anasse Kazib et la campagne menée depuis, qui constituent en réalité un point de non-retour. La rupture est consommée, le NPA se défendra face à cette offensive, et nous continuerons de nous battre autour d’un projet politique et organisationnel ouvert, œuvrant à regrouper les anticapitalistes et les révolutionnaires. Et si le NPA entend bien être présent lors de l’échéance présidentielle de 2022, il prendra ses décisions en dehors de toute pression extérieure, en refusant toute forme de personnalisation et dans le respect de ses règles de fonctionnement démocratique.