Entretien. Trois questions à Hafiza B. Kreje.
Le NPA a lancé une campagne contre l’islamophobie au long cours. Pourquoi cette campagne ?
Parce que l’islamophobie, c’est un problème au long cours ! D’abord, il faut se rappeler que nous avons de longue date des positions de lutte contre l’islamophobie, et cela fait une décennie que nous avons intégré dans nos revendications l’abolition des lois islamophobes, à commencer par la loi de 2004 (interdisant les signes religieux dans les établissements scolaires). Dix ans à porter cette revendication, et la situation empire : cela justifie bien une campagne longue !
De fait, nous militons pour faire reculer un racisme d’État qui ne cesse de s’accroître, et dont les premières dispositions législatives sont toujours en place. On ne peut donc pas cibler seulement notre activité sur une actualité. Par exemple, quand une nouvelle offensive a consisté à criminaliser l’engagement des musulmanEs à travers le complotisme autour des Frères musulmans, cela n’a pas arrêté l’humiliation des musulmanEs pour leur accès aux services publics et à l’éducation. L’islamophobie, c’est tous les jours : c’est donc tous les jours qu’il faut se mobiliser.
L’islamophobie joue enfin un rôle central dans la fascisation, qui est l’urgence politique à laquelle nous faisons face. Matériellement, l’islamophobie renforce les divisions parmi les exploitéEs et renforce un intérêt blanc à la division raciale de notre classe par l’exclusion des musulmanEs, ce qu’il faut faire comprendre. Politiquement, l’islamophobie est la base de la fusion des droites et du renforcement des dispositifs autoritaires de l’État.
Quelles sont les formes et les supports de cette campagne ?
On dispose de plusieurs supports, qui ont des objectifs différents et qui peuvent être combinés. On a un petit document de quatre pages, qui articule les violences islamophobes après l’assassinat d’Aboubakar Cissé, la fascisation et l’analyse économique de l’islamophobie.
On a aussi un ensemble de dispositifs de projections-débats, principalement pour permettre à la fois une sensibilisation à ce qu’est l’expérience de l’islamophobie et pour décloisonner les expériences : sur le hijab, sur le travail…
On organise aussi des formations internes et externes, et des réunions publiques. On décline vraiment selon les besoins : de la lutte concrète contre les différentes formes de racisme — dernièrement à Alençon — à une journée de formation théorique sur l’impérialisme et l’islamophobie à Nancy.
Quelles sont les perspectives et les prochaines étapes ?
Il faut reconnaître que la mobilisation est partout difficile, mais il y a des choses qui marchent. À Nancy, par exemple, nos rencontres ont pu construire une convergence avec les mobilisations pour la Palestine et débouchent sur la perspective d’un collectif dont nous ferions partie.
Le NPA-A est de plus en plus reconnu pour ses positionnements : on a prévu une réunion avec Perspectives musulmanes, entre autres, et on leur proposera notamment une campagne unitaire pour l’abolition des lois islamophobes.
Les initiatives commencent à vraiment fleurir : à Rennes, il y a eu une marche co-organisée par l’EMF (Étudiants musulmans de France) et le Front antifasciste ; il y a des démarches contre l’extrême droite menées par une école musulmane à Valence, avec laquelle nous sommes en lien…
Nous pouvons être moteurEs, force de proposition, et comme dans tous les cadres de mobilisations unitaires, il faut qu’on y mette nos forces pour faire ce qu’on sait faire de mieux : construire loyalement, en marxistes d’aujourd’hui.
Propos recueillis par la rédaction