En mai 2013, en vacances en Dordogne, Ibrahima Dia, militant du NPA et syndicaliste, a été victime d’une odieuse agression raciste de la part de trois habitants (cf. notamment l’Anticapitaliste n°223 et 225). Mardi 14 janvier avait lieu à Bergerac le procès des trois agresseurs. Nous avons rencontré Ibrahima à l’issue du procès.
Dans quel état d’esprit étais-tu avant le procès ?J’étais serein et confiant. J’ai reçu tellement de marques de sympathie et de solidarité de ma famille, d’amis, de voisins, de collègues de travail. Et puis il y a les comités de soutien, en Essonne où j’habite et en Dordogne. La presse en a parlé comme s’il y avait seulement le NPA et Solidaires – sans doute parce que je suis militant de ces deux organisations –, mais les deux comités rassemblent aussi d’autres partis politiques, d’autres syndicats et des associations, la Ligue des droits de l’homme, Attac, d’autres moins connues comme Citoyennes et citoyens, la Maison du monde à Évry, beaucoup de femmes et d’hommes également qui se sont impliqués à titre personnel. Je me suis trouvé entouré de tellement de gens pour qui le caractère raciste de l’agression que j’avais subie ne faisait aucun doute et qui jugeaient insupportable une telle violence, que j’étais convaincu que ce serait le cas aussi pour la justice, lors du procès, et que mes agresseurs seraient condamnés.Vous comprenez, l’agression n’a pas été seulement violente, elle a été préméditée. Quand je suis revenu à ma voiture, après m’être promené un petit moment à pied, trois hommes m’attendaient, disposés en triangle autour de ma voiture, l’un avec un bâton à la main, deux chiens assis derrière lui. Et ils m’ont tabassé avec sauvagerie. Je me serais cru dans la peau d’un Noir dans le sud des États-Unis dans les années soixante.Que s’est-il passé au procès et comment l’as-tu ressenti ?Au début du procès, j’étais encore confiant, même après avoir entendu les avocats de mes agresseurs affirmer avec une assurance à peine croyable que c’étaient leurs clients qui avaient été victimes parce que, maltraités, disaient-ils, par les gendarmes lors de leur garde à vue. Ils ont remis en cause la légalité de l’enquête en faisant état de certaines erreurs qui auraient été faites par les gendarmes. Et ils ont demandé l’annulation du procès ! Ensuite, cela a été le tour de la procureure. Elle a quasiment approuvé ce que disaient les avocats de mes agresseurs. Elle a longuement expliqué, pendant dix-quinze minutes, qu’il y avait un vice de procédure, que les gendarmes avaient mal fait, selon elle, leur travail, allant jusqu’à annoncer qu’elle demanderait des sanctions contre eux.J’étais abasourdi, outré. Je n’avais pas le droit de dire ne serait-ce qu’un seul mot et rien n’avait été dit sur le fond de l’affaire. Je ne connais pas le fonctionnement de la justice, mais je ne voyais pas comment les gendarmes auraient pu maltraiter mes agresseurs. Ils n’avaient pas l’air du genre cow-boy. Ils m’avaient paru simplement vouloir faire leur travail.Après avoir délibéré, le tribunal a conclu à la nullité d’un certain nombre d’actes de procédure, notamment l’interrogatoire des trois prévenus. « Les atteintes aux droits de la défense constituent un grief vis-à-vis des prévenus. Leurs déclarations, l’ensemble des actes commis dans ce cadre et l’audition de deux témoins ne peuvent donc être retenus comme pièces du procès. »Et maintenant ?Je garde l’espoir que le jugement aura lieu. La procureure a dit qu’elle demanderait au parquet qu’il ouvre une enquête, que l’enquête serait refaite. Tout doit être recommencé à zéro mais je ne lâcherai pas. Je sais que ça va être long, très long même, peut-être six mois, un an, deux ans, mais j’ai de la patience. J’utiliserai tous les moyens légaux pour que justice soit faite. Je n’abandonnerai pas. Et je sais que les comités de soutien sont dans le même état d’esprit que moi. Une nouvelle bataille commence !Propos recueillis par Claude Rousset