Un an après la loi Collomb (dite « asile-immigration »), le gouvernement veut prendre de nouvelles mesures concernant l’immigration. Le débat à l’Assemblée nationale (prévu le 30 septembre) et au Sénat (le 2 octobre) ont été repoussés d’une semaine. Mais le projet qui a filtré dans la presse, et les récentes déclarations de Macron, laissent prévoir de nouvelles attaques.
Attaques contre l’AME et le regroupement familialL’AME (l’Aide médicale d’État) est à nouveau sur la sellette. Instaurée en 1999, c’est la seule couverture médicale qui protège les étrangerEs en situation irrégulière. Pour en bénéficier, il faut justifier de 3 mois en France, d’un domicile et d’un revenu inférieur à 746 euros par mois. L’argument toujours avancé est le coût de l’AME, alors qu’elle ne représente que 943 millions, soit 0,5 % des dépenses de l’assurance maladie. À titre de comparaison, les seuls dépassements d’honoraires étaient de 3 milliards en 2017… En plus de l’évident préjudice humain, éloigner les personnes les plus précaires des soins entraînera de plus en plus de de complications, des pathologies plus avancées… qui coûteront plus cher à la collectivité. Lors des précédentes tentatives du même ordre, de nombreuses associations, notamment du milieu médical s’étaient insurgées et avaient mis en échec les projets gouvernementaux.Le ministère de l’Intérieur envisage de durcir les conditions qui régissent l’immigration familiale. On ne sait pas encore comment cela va se traduire. Mais on sait que les conditions pour obtenir le regroupement familial sont déjà drastiques : il faut faire la demande depuis le pays de départ, et il faut, en France, des conditions de logement et des revenus (salaire minimum et CDI), que beaucoup de Français « nationaux » n’ont pas !
Le droit d’asile encore mis à mal Le gouvernement met en avant les 123 000 demandes d’asile en 2018, en augmentation (+22 % selon les chiffres du ministère). Si on compare à la population globale (65 millions d’habitantEs), cela représente 0,18 %… Et surtout : qui obtient l’asile ? La France est un des pays européens où la chance de l’obtenir est la plus faible avec 67 % de rejets des demandes, alors que la moyenne européenne de réponses positives est de 47 %. La France est au 25e rang en terme d’octroi du statut. Les pays européens qui accueillent le plus en proportion de leur population sont la Suède (1,51 %), la Hongrie (1,35 %), l’Autriche (0,98 %) et l’Allemagne (0,81 %). Castaner veut encore diminuer les réponses positives des demandes d’asile des pays jugés « sûrs » comme la Géorgie, l’Albanie, traquer davantage les « dublinéEs », supprimer les quelques petites protections qui restent en s’attaquant en particulier aux conditions d’hébergement. Les Centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) sont dans l’obligation de loger les demandeurEs d’asile le temps de traitement de leur demande, mais cette obligation est déjà mise à mal dans beaucoup d’endroits. Et il faut ajouter que les demandeurEs d’asile sont expulsés des logements dès qu’ils sont déboutés. Il s’agit en outre de réduire l’allocation de demandeur d’asile (ADA, 6,80 euros par jour (supprimée dès qu’il est débouté). Enfin, la carte de retrait sera remplacée par une carte de paiement utilisable seulement dans certains magasins, qui interdit le retrait d’espèces en distributeur.Enfin, le gouvernement entend augmenter le nombre d’expulsions, se félicitant qu’elles aient augmenté de 10 % en 2018 et que les mesures d’éloignement aient progressé de 30 %, préconisant en outre d’accroître le nombre de places dans les CRA (Centre de rétention administrative).
Basse démagogie électoraleMacron a enfilé le costume de Sarkozy, et déverse un flot d’insanités racistes. Pour faire diversion des problèmes sociaux qui s’accumulent, de son impopularité grandissante, il reprend la propagande pourrie du Rassemblement national, en faisant des migrantEs les responsables des maux de la société, essayant ainsi de le désigner comme cible aux plus pauvres. On a entendu Macron, sans rire, se faire le chantre des quartiers populaires victimes des migrantEs alors que les bourgeois eux, n’ont pas de problèmes. Cette basse démagogie électorale en vue des présidentielles de 2022 viserait à couper l’herbe sous le pied de la droite extrême et de l’extrême droite en allant les chercher sur leur terrain. Mais chacun sait que l’électorat sensible à ces sirènes préfère l’original à la copie, et cela ne fait qu’apporter de l’eau au moulin du RN. La dangerosité de ces discours, repris à grande échelle, est d’opposer les classes populaires et les migrantEs, comme si ceux-ci ne faisaient pas partie intégrante de celle-là. Comme si s’attaquer aux plus pauvres de la société pouvait améliorer le sort d’autres pauvres ! Il n’est pas sûr cependant que cette tactique éculée fasse recette, car la ficelle est un peu grosse, mais l’offensive idéologique en cours doit être combattue frontalement. Les luttes en soutien aux migrantEs et, au cœur de l’actualité, le mouvement de grève des travailleurEs sans-papiers en région parisienne, qui a débuté le 1er octobre avec 12 piquets de grève, montrent la voie à suivre. Face au racisme et aux tentatives de division de notre classe, la meilleure réponse est la construction des luttes, des solidarités, pour la dignité, contre les discriminations, pour l’égalité des droits. L’immigration n’est pas le souci n°1 des classes populaires et ne leur fera pas oublier les vrais problèmes qui les préoccupent et les révoltent : les injustices sociales, la préservation de la planète, la lutte contre le réchauffement climatique, la réforme des retraites… Autant de batailles dans lesquelles nous nous investirons, au côté des jeunes et des salariéEs, qu’ils et elles soient français ou étrangers, avec ou sans papiers !
Commission nationale immigration et antiracisme