Alors que gouvernement et Parlement ouvrent un énième débat nauséabond sur « l’immigration », 150 salariéEs de Paris et de l’Île-de-France répondent par un mouvement de grève illimitée pour leur régularisation, sans précédent depuis octobre 2009.
Organiser un mouvement de grève illimitée et coordonnée dans différentes professions et dans 13 entreprises n’était pas chose facile. Les équipes syndicales de la CGT, de Solidaires et de la CNT se sont livrées pendant plusieurs mois à un patient travail de préparation, indispensable à la réussite du mouvement : regrouper les salariéEs sans-papiers entreprise par entreprise, vaincre les réticences des hésitantEs, de celles et ceux qui vivaient clandestinement leur situation par crainte de la répression, etc. C’était donc déjà un premier succès que d’avoir pu se lancer toutes et tous ensemble, avec courage et détermination, dans cette grève.
La grève… ça marche !
Il aura fallu moins d’une semaine de lutte avec piquets de grève et occupations pour que les patrons de 11 entreprises sur les 13 touchées par le mouvement soient contraints et forcés de négocier avec les sans-papiers et les organisations syndicales ! Ce qui semblait impossible quelques jours auparavant, où le refus méprisant, le chantage au licenciement était la règle, est devenu réalité. C’est donc un autre succès à mettre au crédit des grévistes que d’avoir su dire stop à l’arrogance patronale, au mépris de classe, au paternalisme et au racisme ! Et d’exiger l’égalité des droits, le respect du code du travail (ou de ce qu’il en reste).
La plus grande vigilance s’impose
On peut certes se réjouir du succès de ces grèves éclair, interprofessionnelles et coordonnées, sans pour autant en ignorer leurs limites. Les grévistes ont obtenu de leurs employeurs la délivrance des sacro-saints formulaires CERFA, obligatoires en préfecture pour toute démarche visant la régularisation, ainsi que de promesses écrites de maintien et de régularisation d’un contrat de travail en bonne et due forme. Mais ces promesses, fussent-elles écrites, ne seront tenues que si la mobilisation des salariéEs ne retombe pas. Par ailleurs, certains patrons font preuve d’une imagination débordante pour renouveler des contrats de travail au rabais. Ainsi la société Pomone, qui gère la crêperie des Tuileries, propose aux grévistes un « contrat de travail saisonnier à durée déterminée à temps complet avec un terme imprécis » (sic).
La rapidité avec laquelle une dizaine de patrons de Paris et de l’Île-de-France ont cédé aux exigences des grévistes démontre la vulnérabilité de tous ces patrons-voyous, sans scrupules, qui exploitent en toute illégalité les travailleurs et travailleuses sans papiers.
Une solidarité et un élargissement indispensables !
Un tous et toutes ensemble est possible… et nécessaire. Depuis plus de 4 mois, les salariéEs de Chronopost d’Alfortville sont en grève pour leur régularisation. Dans un autre registre, les femmes de ménage de l’Hôtel Ibis Batignolles à Paris 17e se battent courageusement depuis près de trois mois pour exiger un contrat de travail interne à l’entreprise et l’amélioration de leurs conditions de travail. Dans ces deux cas comme dans bien d’autres, ils et elles ne tiennent que par la solidarité financière organisée par leurs organisations syndicales et leurs comités de soutien. Il faut que ces luttes gagnent pour donner confiance à celles et ceux qui n’ont pas franchi le pas de l’engagement.
Le combat pour la régularisation de touTEs les sans-papiers, contre les discriminations, contre l’accumulation des lois racistes… passe par un soutien unitaire sans faille à toutes les luttes en cours, et par le déclenchement et la construction de nouvelles. Elles se conjuguent avec les manifestations antiracistes, organisées par exemple par la Marche des solidarités et les syndicats, les luttes contre les violences policières, etc. Partout il s’agit d’être à l’offensive et de prendre toute sa place dans ce combat pour faire reculer le gouvernement et les racistes !
Alain Pojolat