Publié le Mardi 8 avril 2025 à 17h00.

La stratégie électorale de Marine Le Pen mise à l’épreuve

Marine Le Pen inéligible, et c’est « le séisme », comme a titré l’un des journaux de la galaxie Bolloré. Dans les médias de la fachosphère, mainstream ou alternatifs, c’est l’occasion de dénoncer le gouvernement des juges ou l’État profond.

Depuis déjà un certain temps, les extrêmes droites regorgent de défenseurs soudains de la liberté d’expression et de la démocratie... pour durcir les politiques sécuritaires et légitimer les discours racistes. L’inéligibilité de Marine Le Pen en est une preuve ultime, mais pour l’appareil du Rassemblement national (RN), cette mise – temporaire – hors course de sa candidate présidentielle est une grosse secousse. Une secousse, mais pas son anéantissement, et encore moins un recul des extrêmes droites.

Du soutien certes, mais limité

Avec une stratégie axée sur les présidentielles, une position hégémonique grâce à son dynamisme électoral et un dédain pour le reste du « mouvement national », l’inéligibilité de sa dirigeante providentielle est un coup dur qui isole le RN. Au-delà du commentaire indigné et du message convenu de soutien, l’affaire ne suscite aujourd’hui pas le moindre « compromis nationaliste ». Quelques radicaux, soutiens critiques voyant dans la force électorale du RN un pied d’appui non négligeable, se contentent de regarder cette agitation de loin.

Se vantant de dépasser les 100 000 adhésions, avec une hausse des demandes récentes, le RN déplace moins de 10 000 manifestantEs sur la place Vauban à Paris, ce dimanche. Le « peuple de France » ne s’est pas mobilisé « pour sauver la démocratie ». Certes, pour une montée nationale à un meeting de plein air annoncé tardivement, ce n’est pas négligeable. Ce rassemblement donne une idée de la réalité de l’assise militante du parti. Cela montre aussi que l’électorat du RN, si fort soit-il, ne se soude pas en un bloc, conscientisé et engagé derrière sa candidate. Jusque-là, tout à sa logique électoraliste, le RN n’offrait comme seule perspective que son bulletin de vote. Place Vauban, Jordan Bardella comme Marine Le Pen exhortent à prendre sa carte au parti. Devant un parterre de d’adhérentEs, l’appel à rejoindre le RN tombe un peu à plat.

Ne pas baisser la garde face aux extrêmes droites

DéterminéEs derrière leur direction, cadres et militantEs du RN ne vont pourtant pas faire exploser le parti dans l’immédiat. Secouée, cette direction – profitant du psychodrame pour truster un peu plus le paysage médiatico-politique au moins jusqu’au procès en appel – pourrait prendre vraiment au sérieux l’appel de Marine Le Pen à la « combativité » et l’« aventure politique ». Contrairement aux annonces passées et sans effet sur la professionnalisation, la formation et la déconcentration de l’appareil, le RN est ici réellement bousculé. Qu’il y parvienne ou pas, à ses marges, d’autres construisent patiemment leur « écosystème » associatif, professionnel, culturel et médiatique.

Tous les commentaires journalistiques pointent la faiblesse de cette démonstration. Mais après les dénonciations inconsidérées sur d’imaginaires velléités factieuses du RN, cette situation pourrait démobiliser la lutte contre les extrêmes droites. Ce n’est pourtant pas le moment de baisser la garde !

Commission nationale antifasciste