Sans surprise, l’agression au couteau d’Annecy a permis aux extrêmes droites de déverser leur haine pour justifier toujours plus de restriction des droits, de xénophobie et de répression en matière d’immigration et d’accueil des réfugiéEs.
De plus, facholand, entre déploration du wokisme et appel à dissolution des milices d’extrême gauche, s’est vite saisi d’un autre hochet médiatique à agiter dans sa bataille idéologique, après avoir vu naître « une autre chevalerie ».
Récupération et promotion d’une politique anti-immigration
L’affaire Lola Daviet est proche, et sa récupération honteuse dans les mémoires. À part un rassemblement le jour même à Annecy, quelques groupes en profitent pour s’exposer sur les réseaux sociaux : collectif Nemesis, anciens de Génération identitaire, nébuleuse parisienne nationaliste-révolutionnaire, Action française sous le faux-nez des « Innocents », jusqu’au Mouvement chouan allant à Saint-Brévin menacer la nouvelle maire le jour de son élection.
La bande angevine, secondée de tourangeaux, rendait dès le jeudi hommage à un ancien mercenaire des milices croates, tué fin mai dans une agression en Meuse, arguant d’une fausse rumeur de culpabilité de « cinq migrants ». Le 16 juin, le nouveau groupuscule perpignanais, soutenu par quelques zemmouristes comme des soraliens du cru, organisait un rassemblement devant la préfecture pour « exiger un référendum sur l’immigration ». On se demande pourquoi attendre dix jours alors qu’il suffisait de porter la requête à leur maire, déjà favorable à cette revendication.
Occupés à pousser le gouvernement pour durcir, encore plus, sa loi sur l’immigration, Marine Le Pen et Olivier Marleix montent au créneau. Éric Zemmour ne se prive pas d’une grossièreté de plus : « Avant, les demandeurs d’asile fuyaient pour éviter la mort. Désormais les demandeurs d’asile quittent leur pays pour mieux tuer nos enfants ».
Un porte-voix pour les extrêmes droites
La narration a failli dérailler : l’assaillant est chrétien. Beaucoup en doutent. Mais un « héros au sac à dos » va enflammer les extrêmes droites, malgré quelques complotistes y voyant une manœuvre macroniste. Modèle de « héros non conformiste » (Polemia) contre l’« homme déconstruit » (La Cocarde), il prouve qu’il reste en France « une jeunesse bien élevée, avec des valeurs » (Marine Le Pen). Zemmour écrit même une « lettre à Henri », « un petit bout de la France éternelle ».
Le geste d’Henri, cet homme de 24 ans qui s’est interposé entre le tueur et les enfants, a été courageux, c’est indéniable. Lui-même le rappelle : il n’a pas été le seul à intervenir. Mais la machine médiatique concentre ses feux sur lui. Ce scout routier, aidé par Jean-Baptiste Giraud, un journaliste économiste notamment chroniqueur sur CNews, va « réfléchir à un message à faire passer » dans la « fenêtre de tir médiatique qui s’ouvrait à [lui] ». Un catholique aurait pu en appeler à l’universalité du geste. Au contraire, Henri d’A. va nationaliser sa réaction, en la replaçant dans le contexte — hors sujet — du terrorisme jihadiste.
Le lendemain de l’événement, sur LCI, il affirme avoir « agi comme tous les Français auraient agi, devraient agir ». Quatre jours plus tard, le même Henri répond pour France catholique aux questions de Véronique Jacquier, par ailleurs journaliste sur CNews : « il n’y a pas de hasard. Le Bon Dieu voulait que je sois là (...) Pour moi, l’effroyable attaque est porteuse d’un message très symbolique : un demandeur d’asile syrien sombrant dans la folie et frappant des enfants et un pèlerin catholique qui agit. Je prie pour que tous les hommes politiques en tirent les leçons. » Henri d’A. en est convaincu : « cette jeunesse vue au pèlerinage de Chartres notamment refera le pays ». La providence aura donné un bon porte-voix aux extrêmes droites. On ne s’étonne plus guère qu’Éric Zemmour l’appelle Henri.
CNAF, commission nationale antifasciste