Depuis le mardi 31 mars, 300 personnes ont installé un campement place de la République à Paris, à l’initiative du Droit au logement (cf. l’Anticapitaliste n°284). Il y a des familles mal logées « prioritaires Dalo », des expulsés de la fin de la trêve hivernale, des expulsés des foyers de Boulogne et de la rue du Retrait à Paris. Et aussi 43 « MIE », mineurs étrangers isolés.
Ces jeunes ont fui leurs pays ravagés par la guerre ou la misère et vivent aujourd’hui à la rue, dans la plus grande précarité. Les lois sur la protection de l’enfance imposent pourtant à l’État (en l’occurrence la mairie de Paris) de prendre en charge les mineurs isolés, quelle que soit leur origine, en leur assurant un toit, la scolarisation, un suivi éducatif…Mais cette municipalité fortunée, qui aime se présenter comme exemplaire en matière de solidarité, nie tout simplement leur existence. Avec un argument tout bête : ils seraient en fait majeurs, et donc à eux de se débrouiller, livrés aux dangers de la rue ! Pour fuir ses responsabilités et limiter ses dépenses d’aide sociale à l’enfance, la mairie a donc imaginé tout un système de filtres et de chicanes : le jeune est décrété « au doigt mouillé » majeur par son agence, la Paomie, sous-traitée au rabais à l’association France terre d’asile. Si le jeune a la chance d’apprendre qu’il peut faire un recours, la sentence est éventuellement ratifiée par un juge qui invalide arbitrairement les documents présentés... ou fait procéder à des tests osseux, une méthode pour le moins douteuse et largement contestée.
Et pourtant ils existent !Mais ce grand campement placé au cœur de Paris crève les yeux, et, faute de pouvoir nier complètement ce scandale, l’État commence à reculer : une discussion avec l’Éducation nationale a débuté en vue de la scolarisation de tous ces jeunes, et le 10 avril, le ministère du Logement s’est engagé auprès de la délégation du campement à proposer des solutions de relogement aux familles mal logées et d’hébergement aux 43 MIE. Le sort des « hommes célibataires » du campement reste pour l’instant peu clair.C’est une première reconnaissance officielle du problème. Une première victoire, même s’il s’agit de rester vigilants, et voir si les promesses sont tenues. Et ce n’est qu’un début, car ce que ces jeunes demandent, ce dont ils ont besoin, c’est d’une véritable prise en charge sociale et éducative par les services de l’Aide sociale à l’enfance.
Yann Cézard et Stan Miller