La politique européenne sur « l’accueil » des migrantEs se résume de plus en plus à « c’est non ! ». Le principe est simple, il s’agit de rendre le passage de plus en plus difficile.
À ce stade, aucun chiffre clair ne permet de dire que ça fonctionne. Certes la fermeture des frontières sur la route des Balkans et l’accord avec la Turquie ont fait baisser le nombre d’arrivées en Allemagne ; Idem pour la Suède depuis la fermeture de la frontière avec le Danemark. Selon l’OIM (Office international des migrations), plus d’un million de migrantEs seraient actuellement en Libye, attendant pour la plupart d’avoir assez d’argent pour tenter le passage de plus en plus cher.
Ce qui est sûr, c’est que l’accord avec la Turquie a changé la route de la migration, les bateaux passant par le centre de la Méditerranée pour rejoindre l’Italie plutôt que la Grèce. Le résultat est simple... et horrible : depuis janvier, il y a eu plus de 2 800 mortEs, 1 000 de plus que pour la même période l’an dernier !
Ces chiffres, qui ne font plus la Une des journaux ne changent en rien la politique des gouvernements européens. La Commission européenne travaille à un projet pour développer le même type d’accord conclu avec la Turquie avec des pays d’Afrique et du Moyen-Orient : Jordanie et Liban d’abord, puis Niger, Nigeria, Sénégal, Mali et Éthiopie. À cela s’ajoute un projet pour pousser des pays à réadmettre les migrantEs dits « économiques », pays d’Afrique bien sûr mais aussi Afghanistan et Pakistan. Frontières et charters vont progresser au même pas...
Les idées ne manquent pas dans la voie du pire. Le ministre de l’Intérieur italien a évoqué la possibilité de hotspots en pleine mer pour trier les migrantEs qui pourraient ainsi ensuite être expulsés directement... Le ministre des Affaires étrangères autrichien suggère lui d’utiliser des îles. Il propose que « l’UE pose un principe clairement : ceux qui essaient d’entrer illégalement en Europe doivent perdre leur droit à y demander l’asile ». Bref, la fin même du principe de l’asile.
Pendant ce temps, en France...
La France fait pire que la plupart des pays européens. L’équivalent du public du stade de France, voilà ce qu’en ces temps de kermesse footballistique, le gouvernement voudrait présenter comme sa prouesse annuelle ! Un peu plus de 80 000 dossiers de demande d’asile ont ainsi été étudiés par l’Ofpra en 2015, selon son rapport d’activité présenté le 8 juin. Cela représente une augmentation de 23,6 % censée illustrer, côté communication, le volet « humanité » de la politique migratoire du gouvernement. Pourtant, comparé aux autres pays, ce chiffre est dérisoire. Dans le même temps, la hausse moyenne en Europe est de 123 %.
Il ne s’agit là que de dossiers d’enregistrement acceptés. L’Ofpra se félicite que le taux d’accords de protection ait lui aussi augmenté. Globalement, 31 % des demandeurs ont obtenu une protection, un « statut », leur permettant de rester légalement en France, encore là loin du niveau moyen en Europe (51 %). Cela signifie que 70 % des migrantEs demandant l’asile en France ne l’obtiennent pas. Derrière les pourcentages, il y a des vies : plus de 50 000 hommes et femmes ont été expulsés ou transformés en clandestins l’année dernière. Encore faut-il préciser que près du quart des protections accordées sont des « protections subsidiaires », statut limité et temporaire.
Le HCR vient de publier les chiffres de la tragédie. Il y a eu plus de 10 000 migrantEs morts en Méditerranée depuis 2014. Oui l’Europe forteresse massacre. Et la France est un de ses meilleurs élèves...
Denis Godard