Publié le Lundi 5 octobre 2015 à 10h16.

Migrants : l’enjeu crucial de la solidarité

La découverte, le 27 août dernier, des corps de 71 immigrants clandestins dans un camion abandonné sur le bord d’une autoroute en Autriche, puis la publication de la photo d’Aylan, ce petit garçon de 3 ans originaire de Kobané, retrouvé mort le 2 septembre sur une plage de Turquie, ont provoqué une onde de choc dans l’opinion, un immense élan de solidarité, des manifestations en Autriche, à Londres, à Paris, le dévouement de milliers de bénévoles pour accueillir des réfugié-e-s, en Grèce, en Italie, en Allemagne.

Bien d’autres drames avaient déjà eu lieu, une véritable hécatombe en Méditerranée, plusieurs milliers de morts, parce que le contrôle des frontières et la répression contre l’immigration ne laissent pas d’autre choix à ceux et celles qui veulent échapper à la guerre, à la dictature ou à la misère que de risquer leur vie en faisant appel à des passeurs sans scrupules. Mais aujourd’hui, l’afflux des réfugié-e-s est tel que le problème ne peut être ignoré. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 473 000 personnes ont tenté de traverser la Méditerranée depuis le début janvier et 2643 y ont péri noyées.

Est-ce la pression de l’opinion favorable à l’accueil des réfugié-e-s ou l’intérêt d’un patronat qui voit dans les arrivants une main-d’œuvre qui lui permettrait de baisser le « coût du travail » en reconstituant une armée industrielle de réserve, toujours est-il qu’Angela Merkel a annoncé la volonté de l’Allemagne d’accueillir 800 000 réfugiés dans l’année et de faire pression sur tous les pays de l’Union européenne pour qu’ils acceptent d’en accueillir. Suite à quoi la « crise des migrants » est devenue un problème politique de premier plan en Europe et agit comme un révélateur impitoyable.

Désastreuses « guerres contre le terrorisme »

L’OCDE prévoit que les Etats européens auront reçu un million de demandes d’asile d’ici à la fin de l’année. Plus de quatre millions de Syriens ont fui leur pays, les exactions de Daech et les bombardements de Bachar El Assad. Dans le grand Moyen-Orient, de l’Afghanistan à la Libye, les guerres menées depuis quinze ans par les puissances impérialistes au nom de la lutte contre le terrorisme n’ont engendré que destructions, massacres, chaos économique et politique, terreau sur lequel ont prospéré les bandes armées islamistes ultra réactionnaires comme Daech. Voilà pourquoi des millions de femmes et d’hommes fuient leur pays.

Cette situation révèle aussi l’hypocrisie et le cynisme des gouvernements, le nôtre en particulier. Au printemps dernier, lorsque s’était discuté au sein de l’Union européenne, après la mort de 800 migrants dans le naufrage de leur bateau au large des côtes libyennes, l’établissement de quotas pour accueillir les réfugiés, Valls avait martelé qu’il n’en était pas question. Depuis, Hollande et Valls ont effectué sans mot dire un virage à 180 degrés, acceptant une « répartition » des réfugiés par pays.

Mais ils n’ont pas changé fondamentalement d’attitude. Ils promettent certes d’accueillir des migrants pouvant bénéficier du droit d’asile – 24 000 – mais, comme leurs homologues des autres pays européens, ils redoublent de détermination pour s’opposer à l’accueil de tous les autres « réfugiés », celles et ceux qui fuient la misère née du pillage colonial et néocolonial, en Afrique en particulier. Et ils s’engagent dans une nouvelle aventure militaire en Syrie, tandis qu’Angela Merkel affirme de son côté la « nécessité » de discuter avec le bourreau de son peuple, Bachar El Assad.

Pour la liberté, la démocratie et la paix

Enfin, la crise des migrants jette une lumière crue sur le danger que représentent les forces réactionnaires qui prônent le repli national derrière les frontières, cultivant la peur et la haine de l’étranger. C’est Victor Orban qui refuse d’accueillir des migrants s’ils sont musulmans, fait ériger des murs aux frontières de la Hongrie, fait voter une loi autorisant la police à tirer sur les réfugiés. C’est Marine Le Pen qui fulmine contre le « fardeau » de l’immigration, suivie de près par Sarkozy qui veut, entre autres choses, rétablir les contrôles aux frontières à l’intérieur de l’Union européenne.

La solidarité, c’est-à-dire le combat pour l’ouverture des frontières et la liberté de circulation et d’installation est le seul antidote contre le poison raciste et xénophobe. Mais ce combat ne peut être crédible que s’il s’accompagne d’une lutte contre les fauteurs des guerres, des crises et du chômage, autour d’un programme d’urgence social : un emploi et un salaire pour tou-te-s, la réquisition des logements vides, le contrôle des travailleurs et de la population sur l’économie.

Galia Trépère