Publié le Mardi 17 juillet 2018 à 18h40.

Un 14 juillet avec les migrantEs pour déchirer le tissu du récit patriotique

Feu d’artifice pour ce week-end du 14 juillet. Tout concordait pour un récit dominant en bleu-blanc-rouge, bal des pompiers, défilé militaire et liesse populaire avec drapeaux. Une véritable communion nationale et patriotique. Mais la trame du récit s’est déchirée à quelques endroits laissant entrevoir que la partie n’est pas finie.

Dès le défilé du matin sur les Champs on a eu quelques plaisirs avec la carambole de motards et la patrouille de France qui met du rouge à la place du bleu dans le ciel militaire.

Mais c’est surtout le samedi après-midi qu’un autre récit a eu lieu. À Vintimille, plus de 10 000 manifestantEs d’Italie mais aussi de France et d’Allemagne ont marché contre la frontière, rappelant que depuis les refus de laisser accoster sur les côtes européennes plus de 600 migrantEs sont mortEs en Méditerranée. 

Contre les centres de rétention

Partis le vendredi de Bayonne, 200 marcheurs et marcheuses de sont relayés, à l’appel de l’association Bizi, pour arriver au centre de rétention de Hendaye et réclamer sa fermeture. Mêmes rassemblements et mêmes revendications devant les centres de rétention de Perpignan et Sète.

À Paris, à l’appel de la Marche des Solidarités plusieurs centaines de personnes, collectifs de sans-papiers en tête, ont marché pendant plus de 10 km, à partir du bâtiment du ministère de l’Intérieur dans le 20e, pour aller au centre de rétention de Vincennes.

Le cortège a été accueilli, devant le musée de l’immigration Porte Dorée, par les militantEs de la section CGT avec leurs drapeaux rouges et une banderole de soutien. C’est devant ce musée qu’une jeune Ivoirienne a témoigné de la violence de ses séjours en centres de rétention, de sa résistance à l’expulsion dans un avion avec le soutien de passagersE, de son enfermement à la prison de Fresnes. Elle a été relayée à l’arrivée au centre de Vincennes par un parloir sauvage organisé par téléphone et retransmis sur la sono avec une dizaine de migrantEs incarcérés, à Vincennes mais aussi au Mesnil-Amelot. TouTEs ont dit la colère et la violence des centres, les refus de soin, le harcèlement policier, l’horreur de l’affichage des vols d’expulsion.

Fraternisation 

En ce jour de « fête » nationale, ils et elles ont exprimé l’hypocrisie et le cynisme de « la France ». On a aussi gueulé notre soutien à Seydou et Tidiane, incarcérés au centre de Coquelles et qui risquent l’expulsion pour avoir manifesté leur refus des frontières et demandé à passer lors la marche solidaire à Calais le 8 juillet. Nous avons appris depuis que d’autres migrantEs incarcérés à Vincennes veulent maintenant prendre contact, témoigner…

Nous étions face aux « bleus ». Ceux en uniforme qui ne voulaient pas de la fraternisation « black-blanc-beur ». Et qui ont grogné lors de l’évocation des violences policières, de l’assassinat de Aboubakar à Nantes et de l’appel à participer à la marche pour Adama samedi prochain.

La fraternisation a eu lieu dans ce qui est devenu une défilé sauvage dans le RER, puis dans les couloirs du métro à Nation au son des percus jusque dans les rues du 20e : « Pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons les centres de rétention ! ». De Vintimille à Bayonne en passant par Paris, on a démontré que le tissu du récit patriotique et sécuritaire pouvait être déchiré.

Denis Godard