Publié le Samedi 27 novembre 2010 à 12h05.

Un mariage célébré aux lacrymos.

Nous n’avons pas pour habitude de célébrer les mariages, mais celui de Cindy et Farid nous a comblés. Le 25 octobre, date initialement prévue pour célébrer l’union, la Police aux frontières (PAF) tente d’arrêter ce jeune Algérien en situation irrégulière, mais grâce à un rassemblement militant organisé dans l’urgence, Farid parvient à s’échapper en visitant au passage les toitures du centre de Gap (Hautes-Alpes). Un comité de soutien se crée alors autour de RESF-05, regroupant la LDH, le Cercle de silence de Gap, Solidaires, la CGT, la CNT, le NPA et le PCF. Pendant plus de deux semaines, Farid est hébergé clandestinement dans le réseau militant et attend la nouvelle tentative de mariage à la mairie d’Aspres-sur-Buëch, prévue le 10 novembre. Ce jour-là, la paisible bourgade des Préalpes est en état de siège. La gendarmerie contrôle les véhicules chargés de militants pour y dénicher le fugitif et une dizaine de fantassins de la PAF contrôlent les accès à la mairie. C’est d’abord l’inquiétude pour la cinquantaine de personnes mobilisées : « c’est quoi ces types, on dirait la BAC ! » D’autant plus qu’au même moment, on apprend que le référé qui devait statuer le matin même sur l’inviolabilité du projet de mariage n’avait pas débouché en notre faveur. Mais ce jour-là, la détermination et la solidarité sont au rendez-vous. À cent mètres de la mairie, à l’écart de la PAF, un drôle de cortège se forme, avec en son centre les futurs mariés. « So-so-so, solidarité avec les sans-papiers ! » Devant la porte de la mairie la PAF s’interpose. On pousse, on hésite, du gaz lacrymogène est pulvérisé, on pleure, on crie « honte à vous ! », puis on pousse de plus belle et le barrage est forcé. Dans le vestibule de la mairie, on passe du rugby à la lutte gréco-romaine et, profitant de la confusion, Cindy et Farid parviennent dans un dernier sprint à rejoindre la mairesse pour la cérémonie. Ouf ! La PAF se retire sous les huées, aussi éprouvée que les manifestants. Aussitôt prononcée, l’union est célébrée dans le bistrot du village. Pour beaucoup, cette invraisemblable fête de mariage est la plus joyeuse jamais connue... Certes, les militants présents, et en particulier ceux du NPA, préfèrent les mobilisations de masse où le rapport de forces désamorce la violence, mais il est des circonstances où l’action directe d’un petit groupe est indispensable. Alors, puisque ce type de victoire redonne la pêche, ne nous en privons pas !