Publié le Vendredi 31 juillet 2015 à 21h00.

Yvelines : Pas de trêve estivale, des papiers pour touTEs !

La lutte des sans-papiers du 78 a démarré le 10 juin avec l’occupation des agences d’intérim Adecco à Montigny-le-Bretonneux, Randstad à Poissy et Manpower aux Mureaux (voir l’Anticapitaliste n°296 et n°297). 

Soutenus par la CGT78, plus de 600 travailleurs sans-papiers de l’Ouest de l’Afrique (Mali, Sénégal, Mauritanie…) sont dans l’action,. Intérimaires mais aussi employés du nettoyage, de la restauration…, certains travaillant en France depuis 14 ans. L’agence Adecco occupée, fer de lance du mouvement, fait le lien entre les trois sites. Très déterminés, les occupants se relaient jour et nuit par groupes de 40 à 100. Harcelés quotidiennement par un huissier mandaté par Adecco, ils distribuent régulièrement des tracts aux habitantEs et aux voyageurEs de la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Liberté des profits, inégalités des droits

Les boîtes d’intérim tirent profit de la « filière » des travailleurs sans-papiers. Adecco, fusion d’Adia (Suisse) et Ecco (France), est le n°1 mondial des « services en ressources humaines » et de l’intérim en Europe et aux USA. Randstad (ex-Vediorbis) a ravi à Manpower sa place de n°2 mondial. La France est le 1er marché de Manpower, avant les USA. Ces trois « majors » représentent 11,5 milliards de chiffre d’affaires en France en 2013. Leur organisation patronale, le Prisme, est donc logiquement parmi les plus puissantes du Medef.

Les intérimaires sans-papiers sont le dernier maillon de la chaîne de précarisation de l’emploi, des salaires et des conditions de travail. Dans la concurrence féroce qu’organisent les grosses boîtes en externalisant les activités, c’est la main d’œuvre idéale pour abaisser le coût des contrats des prestataires. Pas de vrais droits pour un sans-papiers, contraint de vendre sa force de travail dans la clandestinité, sous une identité d’emprunt. Les patrons profitent cyniquement du système à « l’insu de leur plein gré », en toute légalité. Le gouvernement ferme les yeux sur ce néocolonialisme de l’intérieur, esclavagisme du 21e siècle.

Les premières victoires

La solidarité se manifeste par des collectes de nourriture (avec le soutien remarqué du MJS et du MJCF !), des paroles et gestes de soutien, ou des dons d’argent. La visite de Philippe Poutou le 3 juillet a été appréciée. En cette période estivale, le NPA a aussi proposé le 10 juillet dernier la projection d’un film documentaire sur la grève en 2010 de 6 000 sans-papiers, dont 1 400 intérimaires, pour leur régularisation1. Plusieurs scènes ont été saluées par des applaudissements. De Sarkozy à Hollande, rien n’a changé !

Le soir-même, lors de l’AG à laquelle les militantEs du NPA ont été invités, un des délégués a annoncé en plusieurs langues (français, bambara, soninké…) la bonne nouvelle : le Prisme, qui jusque-là misait sur le pourrissement, demandait par courrier aux 600 sociétés adhérentes de remplir les documents nécessaires à la régularisation (CERFA et certificats de concordance). Les principales entreprises du nettoyage s’y sont engagé début juillet, et Manpower le 23 (avec 14 promesses d’embauches).

Ces premières victoires montrent que l’action paye, mais le bras de fer n’est pas fini. Si 73 dossiers conformes (avec un numéro Sécu) ont été constitués, il en reste encore plusieurs centaines… Sans compter les embûches en préfecture, amplifiées par la loi scélérate sur l’immigration passée cet été qui accorde les pleins pouvoirs au préfet. D’autant qu’après avoir été débouté le 25 juin, Adecco intente une nouvelle action en justice pour faire évacuer les locaux.

Pour renforcer la solidarité et se donner les moyens de gagner les prochaines batailles, la constitution d’un comité de soutien pluraliste serait un plus.

Correspondants

  • 1. On vient pour la visite de Lucie Tourette, 2012 (Diffusion Asplan, Vezfilm Limited)