Publié le Mercredi 13 janvier 2021 à 12h54.

La révolte de la psychiatrie, de Mathieu Bellhasen et Rachel Knaebel

La Découverte, 246 pages, 19 euros.

Le livre s’ouvre en montrant le lien entre les manifestations contre la loi travail de 2016, les grèves très suivies du personnel, surtout précaire et féminin, des maisons de retraite début 2018, des urgences à travers la France en 2019, et celles des professionnelEs de la psychiatrie.

Un miroir grossissant de la société

« Ces mobilisations constituent l’une des branches d’un grand arbre du mouvement social secouant la France depuis plusieurs années, qui s’oppose à une vision de la société dans laquelle les travailleurs, les usagers, devraient avant tout être gérés et "managés", perçus en simples termes de coûts notamment par la puissance publique, ou de gain potentiel pour des entreprises privées... ».

Les auteurEs décrivent les attaques contre ce secteur par des regroupements de services et d’hôpitaux, l’imposition de résultats comptables supprimant des soins et des personnels (la moitié des lits de psy supprimés depuis 1980), des structures extérieures comme les clubs thérapeutiques. Cela passe aussi par le développement de la psychiatrie ambulatoire avec traitements médicamenteux voire de l’e-médecine, le tout avec un discours « neuroscientifique » qui se veut moderne traitant les troubles psychiques comme des maladies uniquement organiques qu’il suffit de traiter en « dressant les malades » à l’aide de médicaments, et plutôt chez eux. La conséquence en est l’augmentation de l’affluence dans des hôpitaux saturés voire celle de pratiques d’un autre temps comme la contention (fixation de patientEs à un lit ou une chaise). La criminalisation de patientEs sortis trop tôt ou sans soins ayant commis des meurtres a entraîné de plus en plus d’investissements dans l’enfermement psychiatrique, à l’encontre des thérapies basées sur l’écoute et la vie commune dans et hors des structures, avec la participation des personnes soignées, de leurs familles...

Il y a des résistances, comme celle des personnels « perchés » de l’hôpital psy du Havre en 2018 où salariéEs, soignéEs et soutiens se sont retrouvés autour d’un piquet accompagnant une occupation du toit, obtenant certains postes hélas vite remis en cause.

« Ce qui mine la psychiatrie est un miroir grossissant de ce qui se passe dans l’ensemble des sphères sociales et politiques : destruction des services publics, réduction des espaces de négociation démocratique, atteintes aux libertés […]. En psychiatrie, notre travail, c’est la rencontre, tous les outils peuvent être efficaces […]. Il ne s’agit donc pas de rejeter les médicaments, la recherche en neurobiologie, mais de pouvoir défendre que pour soigner, il faut avant tout de l’humain, des moyens humains, de la parole, de l’échange… : de l’argent sur la table pour les soins, sans discuter ! »