Éditions du Croquant, 176 pages, 12 euros. Préface de Ludivine Bantigny.
Fabienne Serbah Le Jeannic nous fait visiter les années soixante au travers du regard d’une jeune Bretonne, Hélène, contrainte de quitter son pays d’origine pour travailler comme bonne à tout faire dans une riche famille bourgeoise parisienne. Les relations entre la jeune fille, sa collègue cuisinière, ses patrons et leurs enfants sont décrites avec sensibilité et finesse.
Face cachée des Trente glorieuses
Consacrer l’essentiel de sa vie à trimer pour les autres, essuyer leurs réflexions humiliantes, subir les avances d’un chef de famille qui croit pouvoir disposer d’un droit de cuissage sur ses domestiques, ce fut le sort de dizaines de milliers de femmes au cours de ces années qui n’ont été glorieuses que pour le capitalisme. Leur sort n’était guère plus enviable que celui des ouvriers immigrés qui ne quittaient l’usine que pour de sordides meublés et devaient raser les murs pour échapper aux rafles policières. Hélène va justement rencontrer au bal un de ces prolétaires expatriés et nouer une idylle avec lui. Mais c’est aussi l’époque de la guerre d’Algérie, des tortures et des massacres, Hélène doit supporter les réflexions méprisantes de ses nouvelles amies qui, bien que surexploitées comme elle par des patrons rapaces, considèrent tout de même qu’une fille honnête ne fréquente pas un Arabe. Tout comme ses parents et le curé de son village breton. Dans ce contexte de racisme exacerbé par la guerre, la vie des couples mixtes n’est pas facile.
L’écriture fluide de Fabienne Serbah Le Jeannic nous fait vivre cette aventure sans s’égarer en vaines fioritures. Celles et ceux qui ont vécu cette époque trouble s’y reconnaîtront, les plus jeunes découvriront l’une des faces cachées de ces trente glorieuses.