Label Le Triton, 12,99 euros. Sorti le 13 novembre 2020.
Aldo Romano, né le 16 janvier 1941 en Italie, s’installe à Paris dès la fin des années 1950. Guitariste de formation, impressionné par Elvin Jones, le batteur de John Coltrane, il apprend très vite la batterie et compose dès la fin des années 1960. Tour à tour « sideman » (accompagnateur) des plus grands (Bud Powell, Keith Jarret, Dexter Gordon) ou leader de son propre groupe, il s’entoure des meilleurs musiciens et enregistre dès les années 1970.
Un peu avant l’enregistrement de ce dernier disque dans la salle du Triton aux Lilas en banlieue parisienne, il évoquait ses amis disparus, le pianiste Gordon Beck, le guitariste Allan Holsworth, le contrebassiste J.F. Jenny-Clark ou le violoniste Didier Lokckwood. « Nous nous aimions et je vous aime encore, très fort. J’ai eu la chance de vous survivre, mais vivre sans vous, est-ce vraiment une chance ? » L’album Reborn (« Renaissance ») est une réponse à la mélancolie du vieux musicien. Entouré de partenaires exceptionnels de toutes les générations et avec qui il se « sent en phase », il redonne vie à des morceaux qui ont jalonné son parcours extraordinaire.
Les musiques meurent si on ne les joue pas
En mai 2019, poursuivant une collaboration de plusieurs années, le Triton (salle et producteur à la fois) a donné carte blanche à Aldo Romano pour une série de concerts donnant lieu à des retrouvailles émouvantes avec des musiciens qui ont participé aux projets flamboyants qui ont jalonné son parcours musical.
Aldo Romano : « Les musiques naissent et meurent si on ne les joue pas. Et puis, elles renaissent quand de merveilleux musiciens les ressuscitent, leur redonnent vie. Pour exister encore, ces musiques attendent les mains, les souffles de ceux qui ne les avaient pas oubliées ».
Apparaissent donc sur les plages de l’album Reborn plusieurs quartets avec Aldo à la batterie. Géraldine Laurent au saxophone, le vieux compère Henri Texier à la contrebasse et le trompettiste Mauro Negri ouvre l’album avec « Annobon ». Suivent le tromboniste Glen Ferris, le contrebassiste Michel Benita et le trompettiste Yoann Loustalot, puis le pianiste Baptiste Trotignon, le guitariste Dary Hall avec le trompettiste Enrico Rava. Le pianiste néerlandais Jasper van’t Hof interprétera lui en solo le classique « I Piacere » composé par Aldo pour Claude Nougaro.
Renaissance… et beaucoup plus
Reborn n’est pas qu’une compilation revisitée des meilleures compositions de Romano car on y retrouve quelques autres perles, non signées du batteur, qui ont jalonné son parcours. C’est ainsi que Glenn Ferris qui a joué avec Franck Zappa (période The Grand Wazoo) se déchaîne sur le morceau, signé du légendaire guitariste, « 20 Small Cigars », ou que le trompettiste Enrico Rava donne toute la démesure de son lyrisme sur le célèbre standard américain « Darn that Dream », autrefois repris par Chet Baker. L’ensemble de l’album célèbre le goût de cette pulsation sans quoi le jazz ne serait pas le jazz. Le sax de la picto-charentaise Géraldine Laurent soutient la musique du batteur ou lui ouvre de nouveaux espaces (« Annobon », « Petionville », « Dreams and Water »). Fidèle à sa tradition, Aldo Romano donne l’occasion à tous ses partenaires de briller. La trompette d’Enrico Rava se déploie comme jamais sur le morceau « Positano » et le piano de Baptiste Trotignon accompagne les improvisations de l’autre trompettiste, Yoann Loustalot.
Reborn, l’occasion de découvrir/redécouvrir l’immense talent d’Aldo Romano et de se plonger dans une discographie quasi inépuisable.
1 – Signalons les excellents albums, réalisés en trio avec Louis Sclavis et Henri Texier, Carnet de routes (1995) et Suite africaine (1999), chez Label Bleu, ou le fantastique The Unique Concert (1980) avec Didier Lockwood, J.F. Jenny-Clark et Gordon Beck.
2 – Voir l’Anticapitaliste numéro 510 sur le dernier album de Géraldine Laurent, Cooking.