Publié le Samedi 1 novembre 2025 à 14h00.

Splendeurs et misères des groupies, de Sophie Benard

Éditions Les Pérégrines, 2025, 208 pages, 18,90 euros

La figure de la « groupie », comme le personnage de Penny Lane joué par Kate Hudson dans Presque célèbre (2001), a toujours eu mauvaise presse. Elle renvoie à une image de « folle », « nymphomane », « hystérique », incapable de se maîtriser et d’apprécier sainement la musique.

Sophie Benard fait l’effort de questionner cette figure, les présupposés misogynes qui l’habitent, et de la réhabiliter. Cette démarche satisfait parfaitement l’autrice de cette chronique, fan absolue de Lana Del Rey (ce qui l’a poussée à se faire tatouer les paroles de sa chanson favorite) et de Chappell Roan (pour qui elle s’est cassé la voix cette année à Rock en Seine).

Sophie Benard historicise d’abord la groupie. Cette dernière n’est pas apparue avec le rock, il existait déjà dans la Rome antique des supportrices « excessives » de gladiateurs. Heinrich Heine, au début du 19e siècle, dénonçait la « Lisztomania » qui accompagnait les concerts du pianiste. Elle revient ensuite sur la révolution amenée par Elvis et montre ce qui était en jeu derrière les paniques morales anti-rock’n’roll de l’époque : du puritanisme et du racisme.

L’autrice fait un retour critique sur les analyses bourdieusiennes du goût et désosse les présupposés qui voient les fans comme un public dominé, aliéné et bon qu’à consommer. Bien au contraire, les fans peuvent avoir un rapport critique et ironique à l’expression de leur admiration.

Mais l’axe fondamental de cet essai, à l’image des autres ouvrages de la collection « Genre ! » des éditions Les Pérégrines, reste la dimension genrée. Sophie Benard fait remarquer à juste titre que la stature de la groupie a servi de prétexte à légitimer des violences sexistes et sexuelles, et dans nombre de cas, des violences à caractère pédocriminel.

De la même façon, l’autrice rappelle que l’on ne reproche pas aux supporters de football d’exprimer de manière bruyante, voire extrême, leur admiration pour les joueurs de leur équipe. Elle note aussi que l’écrasante majorité des crimes commis contre des célébrités sont le fait d’hommes, de Mark Chapman (assassin de John Lennon) à Günter Parche (qui avait poignardé la joueuse de tennis Monica Seles)…

Sophie Benard nous livre donc un essai stimulant, piquant, qui, à partir d’une introspection, nous permet de faire le tour de la question.

Sally Brina