Publié le Jeudi 26 novembre 2009 à 10h36.

AZF : la justice de classe est passée

Alors que le tribunal dénonce les fautes commises, aucune condamnation n’a été prononcée contre l’entreprise sous-traitante et Total dans la catastrophe d’AZF.

Dans les médias, la scandaleuse relaxe des accusés du procès de la catastrophe du 21 septembre 2001 a été éclipsée par «la main de Thierry Henri». C’est révoltant parce que, pour AZF, il y a eu 31 morts, de milliers de blessés, alors que, dans le cas du foot, il ne s’agit que d’une énorme masse de fric brassée autour de la coupe du monde. Mais, toute proportion gardée, le rapprochement met en évidence une moralecommune: on peut tricher, faire une faute, il suffit de ne pas se faire prendre. Il y a des règles pour ceux d’en bas dont les puissants peuvent s’exonérer.

À Toulouse, le tribunal a longuement énuméré les preuves de « fautes organisationnelles » et de manquements à la sécurité de la société Grande paroisse déclarant : «Le dommage est patent, les fautes sont toutes en lien avec le croisement de deux produits incompatibles, le DCCNa et le nitrate d'ammonium, qui a explosé, mais il manque le dernier maillon, la preuve de la présence de DCCNa dans la benne déversée sur le tas de nitrates une demi-heure avant l'explosion». Il a aussi souligné qu’«une franche collaboration de Grande Paroisse et de sa commission d'enquête interne auraient permis l'analyse de la benne et aurait rendu inutile l'intervention d'institutions judiciaires».

Le tribunal est donc capable de dire que Grande paroisse a commis des fautes et dissimulé les preuves et d’en conclure en même temps à la relaxe de l’entreprise et de son directeur «au bénéfice du doute» pour manque de preuves.

L’argument formel est que le tribunal ne peut pas «raisonner par défaut, car sur le plan pénal il faut démontrer une faute commise et le lien de causalité certain avec les dommages». Mais ce raisonnement n’est pas recevable. La catastrophe est à sa racine un accident du travail et doit donc être analysée comme tel, puisque qu’elle a été provoquée à l’intérieur d’une entreprise où le patron est seul responsable de l’organisation du travail et de la production. Le fait de ne pas pouvoir expliquer l’explosion ne peut dégager sa responsabilité, bien au contraire. Les patrons ne manquent pas une occasion de rappeler que ce sont eux qui décident, de supprimer les emplois, de sous traiter… mais refusent d’en assumer les conséquences.

Le tribunal a aussi déclaré«hors de cause», Total et son ex-PDG, Thierry Desmarest, alors que le groupe, dont Grande paroisse n’est qu’une filiale, est le véritable décideur. Total a mis tout son poids et son expérience de multinationale familière de la corruption et de la tromperie pour semer le doute.

Ce jugement est une insulte à celles et ceux qui ont vu leur logement, leur environnement, leur emploi, leur santé et leur vie détruits en quelques secondes. Après avoir mis en danger la vie de tant de salariés, directs ou sous-traitants, ainsi que celle de l'ensemble de la population, en sacrifiant une nouvelle fois la sécurité au profit, le groupe Total s'est illustré par sa capacité à faire obstacle à la mise en évidence de sa culpabilité.

Pour toutes les victimes d'accidents du travail, d'accidents industriels, de pollution ou de maladies professionnelles, le résultat du procès sonne comme un permis de continuer à tuer impunément. Pour empêcher un groupe comme Total de continuer à nuire que ce soit en France, en Birmanie ou en Afrique, que ce soit à l'égard des salariés, des riverains ou de l'environnement, il n'y a pas d'autre solution que de réquisitionner ses profits et de le mettre sous le contrôle de la population et des salariés.

Frida Fuego