Depuis une quarantaine d’années il est question de construire sur 24 km une autoroute de contournement de Strasbourg par l’ouest afin de désengorger la traversée nord-sud, et inversement, de la ville qui voit défiler chaque jour entre 160 000 et 200 000 véhicules dont 4 000 poids lourds. C’est le projet GCO (« Grand contournement ouest »).
Le projet, très vite contesté par plusieurs associations dont « Alsace Nature », qui a mis en avant la défense du grand hamster, ce qui a fait passer les défenseurs de la nature pour de dangereux individus plus sensibilisés au sort de cette bestiole qu’à celui de la population. La quasi-totalité des éluEs concernés a elle aussi montré très tôt son opposition, au côté des paysans.
Grand projet inutile
Depuis 2007, soit un an après que les autoroutes ont été bradées au privé, le projet s’est accéléré au nom de la réduction de la pollution de la capitale alsacienne devenue insupportable. Enquêtes et réunions publiques, recours devant les tribunaux administratifs, manifestations… les esprits s’échauffent des deux côtés.
La population découvre alors que le hamster n’est pas la seule raison de la contestation, et que la construction de ce serpent de bitume est un problème national, voire européen. En effet, la plaine du Rhin en son entier est l’axe principal de circulation entre la mer du Nord et la Méditerranée. Construire le GCO aurait l’effet d’un appel au transit supplémentaire, surtout pour les poids lourds soumis à un péage côté allemand. Les études officielles prédisent une baisse du trafic de seulement 10 % maximum sur Strasbourg, car le GCO, lui aussi à péage mais moins coûteux que l’autoroute allemande, serait évité par une majorité de véhicules : pourquoi payer alors que la voie par Strasbourg reste gratuite ?
Progressivement, une partie des élus, dont le maire de Strasbourg Roland Ries et le président de l’Euro métropole Robert Herrmann, prétendument socialistes, ont retourné leur veste, à quel prix ? Ils sont devenus d’ardents défenseurs du projet au nom de la réduction des particules fines, au côté de la chambre de commerce et des bétonneurs. Il en est de même pour les paysans de la FNSEA qui ont négocié une bonne indemnisation d’expropriation.
La contestation monte
Vinci a été retenu pour réaliser les travaux et pour en être le concessionnaire. Ceux-ci ont commencé le 10 septembre à 5 heures du matin sur la colline de Kolbsheim par l’envoi de 550 gendarmes mobiles assistés d’un hélicoptère et de drones. Leur but : évacuer les zadistes qui défendent depuis un an la forêt et les vergers en périphérie du village célèbre pour son château et son jardin classés, sa pasteure qui n’hésite pas à sonner le tocsin en cas d’alerte, l’engagement de ses habitantEs avec à leur tête le maire gazé 4 fois au cours de la semaine.
La ZAD n’a pas pu résister face au déferlement de violence des gendarmes chargés de protéger les intérêts du capital. Derrière les flics suivaient les engins pour l’arrachage des arbres. Des manifestations de contestation se sont déroulées les jours suivants, avec la présence d’éluEs opposés au projet, des eurodéputéEs José Bové et Karima delli, cette dernière ayant été blessée lors d’une charge des mobiles. Le 15 septembre, 2 500 personnes se sont donné rendez-vous à Kolbsheim, les flics leur interdisant d’approcher la zone de déboisement.
La contestation monte de toute part, la population n’admettant pas que les travaux aient débuté alors que de nombreux recours dont des référés déposés par « Alsace nature » sont en cours de traitement devant le tribunal administratif. Celui-ci a déjà suspendu la construction du viaduc de Kolbsheim le 12 septembre … alors que plusieurs hectares ont été rasés ! Le 25 septembre devait être rendu un jugement portant sur la demande d’annulation du projet en son entier, qui a malheureusement rejeté la requête d'Alsace nature.
L’espoir demeure de voir les tribunaux obliger Vinci à quitter les lieux, les avis officiels préalables à l’autorisation de démarrage des travaux signée par le préfet étant de surcroît tous négatifs. Les représentantEs des opposantEs au projet ont refusé de rencontrer le nouveau ministre de l’Écologie dès lors qu’il a jugé ce projet utile pour l’environnement.
Lors des manifestations, c’est le déni de démocratie qui a été relevé avec virulence, qui a permis à Vinci, protégé par l’État, de saccager la nature pour un projet inutile et coûteux alors que des projets alternatifs ont été présentés.
Depuis leur évacuation, les zadistes sont accueillis au village. La contestation soutenue par les militantEs du NPA ne faiblit pas. À la bétonisation du monde nous répondons : « Résistance ».
Correspondant