« La situation des eaux souterraines, cachées des yeux de tous, l’est encore plus », d’après l’hydrologue Jay Famiglietti, directeur de l’Institut mondial pour la sécurité de l’eau à l’Université de la Saskatchewan, au Canada.
Famiglietti et ses collaborateurs ont analysé vingt ans de données issues des missions satellites GRACE, fruits d’une collaboration entre les États-Unis et l’Allemagne, afin de déterminer les variations en eau douce des réserves du continent européen. Les satellites jumeaux de la mission GRACE ont mesuré les changements gravitationnels de la Terre pour évaluer le volume des grandes réserves de la planète, telles que l’eau stockée sous terre dans les aquifères, l’eau qui coule à la surface dans les lacs et les rivières, ou encore l’eau sous forme solide dans les inlandsis et les glaciers. Plus il y a d’eau, plus la force gravitationnelle est importante.
Les résultats indiquent un appauvrissement régulier, entre 2002 et 2022, du volume d’eau dans les aquifères, ces roches et strates poreuses situées sous terre qui stockent la majeure partie de l’eau douce non gelée de la planète. Chaque année, la plupart des aquifères du continent (hormis quelques exceptions comme en Scandinavie) perdent plus d’eau qu’ils n’en récupèrent par le biais des précipitations et autres phénomènes, affirme Famiglietti.
Les chercheurs estiment que l’Europe perd en moyenne près de 84 gigatonnes d’eau par an depuis le début du 21e siècle. C’est un taux alarmant, selon Famiglietti. Il correspond approximativement à la quantité d’eau contenue dans le lac Ontario, ou à 5 fois le débit annuel moyen du fleuve Colorado dans le Grand Canyon. Une telle ampleur (1 gigatonne correspond à 1 milliard de tonnes d’eau) nous est presque impossible à appréhender. C’est pourtant bel et bien à cette échelle qu’agit actuellement le changement climatique.
Extrait de Cynthia Barnett, « Crise de l’eau en Europe : la situation est plus grave que ce que l’on pensait », nationalgeographic, 15 décembre 2022.