La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire pour les décideurs et les médias qui devraient lui accorder une place centrale.
Comme pour confirmer la pertinence de la dernière marche climat, le récent coup de gel sur le pays illustre une fois de plus le dérèglement climatique. Avec des hivers de plus en doux favorisant les montées de sève et le départ de la végétation, les arbres fruitiers, la vigne, les cultures sont exposées au froid dévastateur.
Le coup de gel : catastrophe naturelle ?
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le gel ravage les cultures et les arbres fruitiers, mais c’est aujourd’hui que ça arrive de plus en plus souvent. Si l’on pouvait voir, çà et là, des installations contre le froid ou le chaud, il est maintenant courant d’en voir proliférer un peu partout. Contre le gel, de la botte de paille brûlée à la bougie en passant par les tours antigel, les vaporisateurs, les braseros, les hélicoptères… les équipements ne cessent de se développer.
Le pire dans tout ça est que le dérèglement climatique, conséquence de l’agriculture productiviste, ne produit pas ou peu de remises en cause de cette dernière. Les paysanEs endettés, en petite surface, en manque de moyens, se verront discrètement et dramatiquement happés par des installations plus solides capables de s’offrir des assurances, soutenues par des banques (Groupama et Crédit agricole en tête) et autres intérêts financiers. Pour les équipementiers ils auront de quoi vendre leurs produits, leurs inventions pour la plupart assez polluants. Pour les riches exploitants, la FNSEA et le gouvernement veilleront à ce qu’ils captent en plus les subventions.
Les subventions de la PAC
La nouvelle Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne va entrer en vigueur au 1er janvier 2022 et verser chaque année, pendant cinq ans, neuf milliards d’euros aux agriculteurs en France. Quelles règles de redistribution seront appliquées ? L’argent ira-t-il aux agriculteurEs et éleveurEs bio ou aux plus conventionnels ? Aux fermes en fonction de leur surface ou du nombre d’emplois créés ? L’application des règles qui se discute au ministère de l’Agriculture, entre les syndicats agricoles, Castex et les ministres Denormandie (Agriculture) et Pompili (Écologie) pourrait changer la donne… si le gouvernement en avait la volonté.
Agriculture-climat : couple vertueux si...
Pour la Confédération paysanne, les critères doivent inciter à adopter des pratiques plus écologiques. Cyrielle Denarthig, en charge des questions agricoles au Réseau action climat (RAC) explique : « On peut demander la mise en place de haies, l’introduction de plus de légumineuses dans les rotations car elles limitent l’utilisation d’engrais azotés, des rotations plus longues avec cinq ou six cultures différentes plutôt que trois ». Claire Garrot de la Confédération paysanne, éleveuse en Mayenne, ajoute : « On souhaiterait également qu’il y ait un bonus pour les fermes en agriculture biologique ». Et précise : « Il faut souligner qu’il n’y a pas d’augmentation prévue du budget alloué à l’environnement dans la PAC. Il reste le même ». Le gouvernement ne prend aucune décision en faveur de l’agro-écologie, favorable au climat, à la santé publique et au porte-monnaie des paysanEs. Car pour cela, il faudrait affronter le poids politique de la FNSEA, de l’agro-industrie, des chambres d’agriculture et de leurs intérêts dans le business agricole.
Écorégimes : nouveau verdissement de l’agriculture intensive ?
Les « écorégimes », aides d’environ 1,5 milliard, alimentent les désaccords. Ces aides sont données en fonction des efforts de l’agriculteur pour se conformer à des critères environnementaux. D’après ces critères, 70 % des agriculteurEs y auraient droit. Cela donne une idée du niveau des critères proposés. Mathieu Courgeau, éleveur en Vendée et président de la plateforme pour une autre PAC, qui rassemble des organisations comme la Confédération paysanne et le RAC, demande une PAC plus sociale et écologique, promeut un ensemble de mesures favorisant les premiers hectares et les premiers animaux, et un plafonnement des aides pouvant être reçues par chaque agriculteur à 50 000 euros par an ou l’activation d’une aide forfaitaire aux petites fermes.
La FNSEA, qui défend avant tout les « gros », se bat pour que tous les agriculteurs y aient droit car, c’est bien connu, ils ont tous des pratiques vertueuses. On connaît le fiasco des aides au verdissement de l’agriculture qui a entraîné lourdeurs administratives et aucun impact positif pour l’environnement. Même scénario avec les « écorégimes » ?
Dans l’agriculture aussi, changeons de système
Ne laissons pas la finance et le marché confisquer l’agriculture dont l’activité touche de multiples aspects de nos vies. Décidons ensemble, paysanEs et consommateurs, de la mise en place d’une agriculture écologique, rémunératrice pour les travailleurs et travailleuses de la terre, protectrice de la Terre. Nos intérêts se rejoignent.