Tel est le message qu’a voulu faire passer au Figaro Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans une interview publiée le mardi 22 novembre.
En effet, les anomalies constatées sur les générateurs de vapeur de plusieurs centrales nucléaires font que 20 réacteurs sur 58 sont en ce moment à l’arrêt. Par ailleurs, la composition chimique du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville ne respecte pas les normes requises. Or la mise en service de l’EPR est prévue en 2018. D’où les états d’âme du président de l’ASN, qui va devoir se prononcer très bientôt sur ces deux dossiers épineux mettant directement en cause la filière nucléaire.
Les résultats des contrôles supplémentaires demandés par l’ASN à EDF sur les générateurs de vapeur commencent à être analysés par les experts de l’Institut de radioprotection nucléaire. Et en fonction des résultats, l’ASN autorisera ou non le redémarrage des réacteurs à l’arrêt.
Concernant la cuve de l’EPR, EDF transmettra fin 2016 un dossier censé démontrer que ces défauts n’affaiblissent pas la résistance mécanique de la cuve, dossier qui sera analysé en 2017. En cause, la technique pour forger les lingots à l’usine Creusot-Forge d’Areva, qui rend nécessaire d’éliminer les parties où se concentrent les impuretés pour ne conserver que les parties saines, ce qui n’a pas été fait. Pire : comme l’a révélé la presse, l’enquête en cours a montré qu’Areva, fabricant des générateurs de vapeur et de la cuve de l’EPR, a falsifié des documents de contrôle pour rester dans les clous et qu’EDF, l’exploitant des centrales, a fermé les yeux sur ces pratiques.
La loi du silence...
Que les opérateurs du nucléaire – civils ou militaires – cachent des informations n’étonnera personne, goût du secret et loi du silence font partie du quotidien. Les multinationales qui interviennent dans la filière nucléaire ont profité pendant des décennies de cette chape de plomb pour échapper à tout contrôle ou presque. Face à cette opacité « décomplexée », la création en 2006 de l’ASN, le « gendarme du nucléaire », a pu apparaître comme un certain « contre-pouvoir » face au risque nucléaire. Mais est-elle pour autant « l’institution indépendante et transparente » décrite par Pierre-Franck Chevet ? À la tête de l’ASN, cinq commissaires : trois nommés par Hollande et deux autres par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale... Tout pour être sous la coupe du pouvoir politique et du lobby nucléaire.
Ces derniers mois, les consignes données aux inspecteurs de l’ASN par leur hiérarchie était d’observer une certaine « retenue » face à EDF ou aux autres exploitants nucléaires, pour ne pas « tuer la filière ». En août dernier, un inspecteur de l’ASN, contrôleur des centrales nucléaires normandes et du chantier EPR, a fait un recours auprès du tribunal administratif de Caen pour faire reconnaître son burn-out comme accident du travail suite à « de nombreuses et parfois très lourdes pressions voire menaces, de multiples injonctions contradictoires (...) pour influer sur les choix (…) sur des sujets pouvant représenter des enjeux pour EDF ».
Entre la « protection des populations et de l’environnement » et les intérêts des industriels et opérateurs du nucléaire, il faut choisir. Dans une situation qui se dégrade (vieillissement des installations, problèmes de l’EPR…), l’arrêt du nucléaire et la reconversion en renouvelables du système de production énergétique en lien avec les travailleurEs du secteur est la seule voie réaliste pour éviter une catastrophe.
Commission nationale écologie