Publié le Mercredi 18 janvier 2023 à 14h50.

L’Ardèche s’oppose au béton et à la calotte

Permis de déconstruire. Imaginez. Vous vivez dans un petit village d’Ardèche. Une rivière, la Bourges (y’en a des biens) en traverse le centre. Vous avez fui ou vous n’avais jamais voulu rejoindre un grand centre urbain. Vous habitez à Saint-Pierre-de-Colombier, située au cœur d’un parc naturel connu pour sa biodiversité et ses espèces rares comme le crapaud sonneur à ventre jaune. Et puis un matin, une procession de pelleteuses circule sous vos fenêtres.

Une procession qui en appelle d’autres… Des gens obsédés par le paradis vont faire de ce lieu un enfer. Les grenouilles de bénitier veulent prendre la place des crapauds.

Projet de construction d’une église de 3 500 places

Tout débute en 2018 lorsqu’une congrégation catholique, la Famille missionnaire de Notre-Dame a obtenu un permis de construire pour bâtir une église de 3 500 places, des logements, un parking et une passerelle. Le « petit Lourdes » devient le surnom local du projet. Le collectif « Les amis de la Bourges » se mobilise : action en justice, manifestations et même création d’une ZAD éphémère. La préfète précédente reconnaît finalement une erreur administrative, suspend les travaux et demande une étude environnementale en 2020. L’évêque local lui emboîte le pas et qualifie le projet de démesuré.

Tout est relancé toutefois en novembre 2022 lorsqu’un nouveau préfet autorise la reprise du chantier. Il prétexte une étude environnementale affirmant l’impact négligeable des futures constructions. Cette étude qui ferait autorité n’est toutefois pas rendue publique malgré les demandes répétées du collectif. Ce même collectif souhaite attaquer l’arrêté de reprise des travaux en justice. Mais cela est impossible sans l’étude environnementale. L’opacité règne pour protéger les traditionalistes.

Aberration écologique

Ce conflit est à la « croisée » de beaucoup de thématiques qui en font potentiellement une poudrière et le terrain d’une nouvelle ZAD. Le scandale est d’abord écologique. Ce sont des tonnes de béton qui sont prévues pour enlaidir la vallée. Le Parc régional des Monts d’Ardèche a manifesté depuis le début son opposition au projet et le préfet n’a pas voulu lui soumettre son étude environnementale… Le slogan « Stop béton » s’est rapidement imposé dans le département.

Dérives sectaires et intégristes

Ce projet mobilise également contre lui toute une partie de la gauche anticléricale et/ou laïque. En effet, la congrégation est sous le coup d’une enquête du Vatican. En 2021, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires pointe du doigt la congrégation en évoquant une « manipulation des membres, un culte de la personnalité du dirigeant et un harcèlement financier ». L’attitude de l’État dans ce projet devient un symbole de sa politique à l’égard des religions. Complaisance et bienveillance avec l’extrémisme chrétien tranche singulièrement avec la méfiance et la violence d’État dont sont victimes les organisations musulmanes.

Face à ce projet, l’unité entre écologistes, syndicalistes et l’ensemble des organisations de gauche est faite. Il faudra bien cela pour remporter la bataille. Une première manifestation a réuni plus de 300 personnes devant la préfecture le samedi 14 janvier. C’est une première pierre d’un édifice que les opposants devront construire sur le long terme, et ce, sans demander toutes les autorisations…