Publié le Mercredi 11 mai 2022 à 08h54.

Le jour du dépassement : le 5 mai en France

Depuis le 5 mai, la France vit à crédit. La banque, c’est la planète ! En d’autres termes, cela signifie que, selon le modèle établi par l’ONG étatsunienne Global Footprint Network dont les résultats pour la France sont transmis par le WWF, le 5 mai est la date à laquelle elle a consommé l’intégralité des ressources que la Terre peut lui fournir en un an.

Le jour du dépassement est fixé en divisant la bio­capacité de la planète par l’empreinte écologique de l’humanité et en multipliant le tout par 365 jours.

2,9 planètes par an !

Selon ce modèle, si le monde entier vivait comme la France, il faudrait 2,9 planètes pour faire face à sa consommation. La moyenne planétaire se situe à 1,7 planète par an. L’indicateur peut être discuté1 mais il permet de suivre l’évolution, au fil des ans, de l’empreinte carbone globale au niveau mondial, et de mesurer l’impact des différents pays sur la surexploitation des ressources. Les inégalités apparaissent de façon éclatante, entre les pays au dépassement le plus précoce (Qatar le 9 février, Luxembourg le 15 février, Canada et États-Unis le 14 mars) et ceux au plus tardif (Sao Tomé-et-Principe le 27 décembre, l’Indonésie le 18 décembre, Tchad le 16 décembre). De plus, les moyennes nationales cachent les gigantesques inégalités au sein des pays eux-mêmes. Le 1 % le plus riche (environ 63 millions de personnes) émettent plus du double que les 50 % les plus pauvres (environ 3,1 milliards de personnes) ou plus que les émissions totales cumulées de l’ensemble des citoyenEs de l’UE.

Une modeste ambition nationale

L’indicateur prend en compte les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation des surfaces par l’agriculture, l’exploitation des forêts pour le bois d’œuvre ou de chauffage, le taux d’artificialisation des terres pour la construction et l’intensité de la pêche, mais il fait l’impasse sur la responsabilité des groupes capitalistes de l’énergie, de l’agro-industrie ou des banques… Quant aux propositions du WWF pour « gagner » 25 jours au cours du quinquennat (baisse de 20 % de la consommation de viande, augmentation de 25 % des cultures en bio, développement du vélo et des véhicules électriques, division par deux du rythme d’artificialisation…), elles sont en décalage avec les véritables impératifs du climat et de la biodiversité. Même Macron nous parle désormais de « planification écologique » !

Écologistes, internationalistes, anticapitalistes !

Ce signal d’alarme souligne l’urgence d’agir : il est absolument indispensable d’aller plus loin, en relayant la parole de celle et ceux qui vont au-delà des termes de la campagne du WWF2. La mise en œuvre de solutions à la hauteur du défi est incompatible avec la croissance capitaliste : le WWF lui-même en donne un indice : les deux seules « pauses » dans la dégradation de la date du dépassement (lire pillage de la planète !) étant repérables au moment de la crise des subprimes (à partir de 2007) et de la pandémie, deux périodes de ralentissement de l’activité ! CQFD.

  • 1. Voir par exemple Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, « Si toute l’humanité avait le mode de vie des français, le jour du dépassement serait en avril », actu-environnement.com, 3 août 2017.
  • 2. Lire par exemple Lorène Lavocat, « Climat : rester sous la barre de 1,5 °C impose des choix radicaux sur la consommation », Reporterre, 9 juillet 2019.