Au 3 janvier, les « mégafeux » de forêt ont ravagé 60 000 km², l’équivalent de deux fois la Belgique. 500 millions d’animaux ont été carbonisés dans la catastrophe, estiment les scientifiques de l’université de Sydney. Les glaciers de Nouvelle-Zélande sont couverts de suie. Les records de température sont battus, janvier et février pourraient dépasser les 50 °C à l’ombre. Plus rien n’est maîtrisé. Ces feux sont hors normes.
Cinq millions d’habitantEs de la capitale respirent un air 11 fois plus pollué que la normale saisonnière et Canberra est devenue la ville la plus irrespirable du monde (taux de pollution de l’air 20 fois supérieur au maximum autorisé). Cette pollution va provoquer des milliers de morts prématurées. Pendant ce temps, le gouvernement australien campe sur une position de négationnisme climatique délirante, faisant hardiment la promotion du charbon ! Pas question de perdre la 1re place mondiale d’exportateur de charbon (4e producteur) ! Et très logiquement, l’Australie a fait très fort sur le plan des émissions de CO2 : + 47 % depuis 1990 !
Réchauffement climatique en cause
C’est indéniable. Dans le cadre général du réchauffement climatique, l’Australie a connu deux saisons de très grande sécheresse. Le taux d’humidité globale baissant, la végétation sèche. Son inflammabilité augmente. Par ailleurs, dans le monde entier l’exploitation industrielle des forêts (coupes claires, remplacement par des espèces à pousse rapide…) les rend beaucoup plus sensibles aux maladies, et les écosystèmes sont alors plus vulnérables aux incendies. La « saison des feux » s’allonge. L’été ne se terminera ici que fin mars ! Les conditions de la catastrophe sont alors réunies : le réchauffement climatique est bien au départ de ces mégafeux…
Des feux qui renforcent en retour le réchauffement
Une dialectique infernale s’enclenche alors. Ces mégafeux qui nous sidèrent, auprès desquels hydravions, canons à eau et tous les moyens technologiques ne sont que quantités négligeables, que nous avons même du mal à penser tellement ces feux sont des phénomènes nouveaux et des phénomènes « totaux » aux nombreuses dimensions, dégagent des quantités titanesques de CO2. La voie est toute tracée vers un réchauffement planétaire de + 4 °C voire plus ! Les glaciers néo-zélandais couverts des cendres australiennes réfléchissent moins la lumière et vont fondre plus vite.
Mégafeux sous toutes latitudes
Si l’Australie est une île/continent aux très grandes chaleurs, c’est pourtant sur tout le globe que les mégafeux produisent maintenant leurs ravages. Y compris dans les contrées enneigées du Grand Nord, en Sibérie, en Suède au-delà du cercle polaire… Incontrôlables – les « soldats du feu » sont impuissants à les combattre –, ils prennent généralement fin avec l’accalmie des vents (ces mégafeux augmentent la vitesse des vents) et l’arrivée de la pluie. Ces feux d’apocalypse sont de plus en plus fréquents, de plus en plus intenses. Joëlle Zask1 dit que nous ne sommes plus seulement dans l’Anthropocène, mais dans le « Pyrocène »… parce qu’on ne peut pas combattre ces feux. Il faut une politique préventive qui exige une autre conception de la « gestion » des forêts, et d’abord sortir très vite d’une conception extractiviste.
Question hautement politique
Le spectacle donné par les COP et sommets de l’ONU fait monter la rage devant l’inaction des responsables politiques et économiques : le tabou du profit est pour eux absolu. La conclusion, c’est Greta Thunberg qui l’a très bien tirée le 15 décembre : « Si les solutions au sein de ce système sont si impossibles à trouver, nous devrions peut-être changer le système lui-même ». Oui, c’est bien une révolution écologique et sociale qui est urgente. Nous lui donnons des contours, celui de l’écosocialisme. Avec les mégafeux, on voit bien que la seule dimension juste est planétaire.
Commission nationale écologie
- 1. Joëlle Zask, Quand la forêt brûle, Premier parallèle, août 2019, 208 p., 17 euros.