Publié le Jeudi 7 septembre 2023 à 18h00.

En Grèce, les mégaracistes attisent les mégafeux

La Grèce a connu cet été de terribles incendies. Ils ont provoqué la mort d’au moins 26 personnes, dont au moins 20 réfugiéEs, des bergers et deux pilotes de Canadair et ravagé des forêts et des cultures, brûlé des centaines d’animaux, des centaines de maisons et plusieurs entreprises, et même des casernes militaires.

Des centaines de chèvres et moutons, entre autres animaux, ont péri, des milliers de ruches ont brûlé… En juillet, les feux ont ravagé Rhodes (1/15e de l’île, avec évacuation chaotique de 20 000 touristes), et aussi touché une partie de l’Attique, Corfou et l’Eubée. En août, les faubourgs de Volos et de banlieues athéniennes ont brûlé, le Parnès, une des trois montagnes d’Athènes, a perdu une partie de sa forêt, ce qui a asphyxié l’agglomération. Au total, près de 1 600 km² sont partis en fumée, avec une catastrophe majeure : en Evros, la région nord-est frontière avec la Turquie, plus de 800 km² brûlent encore, détruisant des villages, des cultures (oliviers) et la forêt protégée de Dadia, à la faune très riche. On est entré dans l’ère des mégafeux. En 2022, on avait recensé 66 incendies, au lieu de 28 cette année, mais ceux de 2022 n’avaient brûlé « que » le quart de la surface ravagée cette année.

Incompétence de Mitsotakis and Cie

Au printemps, le Premier ministre affirmait l’état parfait de préparation aux incendies… Pourtant, face aux départs de feux on a une nouvelle fois vérifié le manque de moyens donnés aux pompiers (4 000 postes non pourvus, d’où le rôle majeur des volontaires cet été), l’usure ou l’absence du matériel, et une politique reposant avant tout sur l’évacuation des populations, lesquelles, à moult reprises l’ont refusée et ont organisé la lutte pour sauver du feu leurs villages. Surtout, l’incapacité de la droite grecque dans la prévention est fortement mise en cause : non seulement en matière de moyens humains et matériels du côté des pompiers (les moyens vont aux forces de répression !), mais aussi par le refus de réorganiser, comme le demandent les expertEs, l’Office public des forêts, à qui la prévention organisée des feux de forêt a été retirée depuis… 1998 ! Face aux propositions très précises des spécialistes sur l’entretien des forêts, Mitsotakis joue le fataliste : c’est la faute au climat, nous a-t-il chanté tout l’été, avec le même refrain de la presse aux ordres…

Embrasement raciste

Dès juillet, le ministre Voridis (ancien dirigeant des jeunesses de la junte fasciste) ajoutait sa partition : les incendies peuvent être allumés par des habitantEs négligents, mais aussi par des migrantEs (sans oublier les agents turcs!). À propos du fleuve Evros, frontière avec la Turquie, on peut compter sur lui, devenu numéro 2 du gouvernement : le mur frontière continuera à être construit... Et c’est cette musique nauséabonde, reprise par d’autres ministres, qu’on a entendue très fort ces dernières semaines, avec mise en pratique par les groupes fascistes, encouragés par leur succès aux législatives de juin mais en sévère concurrence extrémiste entre eux. Des nervis qui avaient procédé à des actions armées contre les réfugiéEs en 2020 à la frontière turque, et qui depuis ont installé en toute illégalité des cabanes et même des villas dans des zones naturelles protégées, ont joué les shérifs (avec vidéos de leurs exploits) en frappant et arrêtant des réfugiéEs, les accusant de mettre le feu aux forêts, et cela au moment où au moins 20 d’entre eux étaient retrouvés carbonisés dans la forêt de Dadia. Des députés fascistes ont encouragé la formation de ces milices, avec des discours racistes qui cachent mal que les réfugié-e-s, après enquêtes judiciaires, ont été innocentés.

Cette théorie complotiste ne tient pas la route une seconde si on regarde la carte de l’évolution des départs de feux en Grèce, en Turquie, dans le sud des Balkans, entre début juillet et fin août1 : ils sont partout de même intensité, bien sûr sans rapport avec la présence ou pas de réfugiéEs ! Quoi qu’il en soit, les experts ont rappelé que le feu dans la forêt de Dadia provenait sûrement de la foudre, mais cela n’a pas empêché Mitsotakis cette semaine au Parlement de radoter une nouvelle fois sur les responsabilités des réfugiéEs dans les départs de feux : confirmation si besoin était du racisme comme élément central de la politique de Mitsotakis, manière peut-être aussi de faire oublier que s’il le peut, il offrira demain à ses copains patrons des surfaces brûlées pour y établir diverses entreprises et des éoliennes, dont l’installation forcenée en Grèce, avec destruction de pans montagneux pour percer des routes jusqu’aux sommets se fait le plus souvent sans consultation des populations locales, bien plus pour les profits patronaux que par souci écologique. Dans le même sens, Mitsotakis envisage déjà de confier à ses copains patrons la « gestion » des forêts...

Dans cette situation tragique, une première mobilisation a eu lieu fin août : deux manifestations (séparées…) ont regroupé des centaines de manifestantEs pour dénoncer le véritable crime contre l’environnement, exiger des moyens pour la prévention et condamner les milices fascistes et le racisme antiréfugiéEs de ce gouvernement.

Athènes, le 3 septembre 2023