Publié le Jeudi 27 avril 2023 à 14h26.

Phosphine : les profiteurs-empoisonneurs et leurs complices

Les actionnaires de la société néerlandaise UPL Holdings Coöperatief U.A., numéro un mondial de l’agrochimie, et les gros céréaliers français peuvent dormir tranquille : la limitation de l’utilisation à l’export de la phosphine n’aura finalement pas lieu !

Remontons à octobre 2022, date à laquelle l’Anses, la très modérée Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (accusée par le journaliste Fabrice Nicolino en 2019 de faire partie du lobby des pesticides), décide de restreindre à l’export l’utilisation de la phosphine, insecticide qualifié de très efficace pour le transport des céréales en bateau, à compter du 25 avril 2023. La fumigation n’aurait été autorisée que par contact indirect avec les céréales. Cette décision aurait très fortement impacté les exportations céréalières françaises vers l’Afrique, où plusieurs pays comme le Maroc, l’Égypte ou le Togo, exigent dans leur cahier des charges une fumigation par contact direct « afin de prévenir l’introduction d’organismes ­nuisibles sur leur territoire »

La phosphine, ou hydrure de phosphore PH3, est un gaz hautement écotoxique, pouvant entraîner sur l’humain des troubles neuro­logiques et cardiaques. Il a été interdit d’utilisation en France depuis 2016. Fumigène le plus utilisé au monde, il a favorisé l’apparition de souches de parasites et d’espèces dites nuisibles résistantes, devenues aujourd’hui courantes en Asie, en Australie et au Brésil, résistances « préoccupantes » selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). 

Sauver les exportations françaises de blé

À l’approche de la date fatidique, levée de bouclier des céréaliers français, intervention du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, qui a demandé à l’Anses de revoir sa copie, mettant en exergue les risques économiques. La France est le quatrième exportateur mondial de blé depuis la guerre en Ukraine : 11,5 millions de tonnes par saison pour un poids sur la balance commerciale de 3,8 ­milliards d’euros. 

Au final, le 20 avril, l’Anses est revenue sur sa décision, s’appuyant sur une réglementation européenne qui permet les exportations hors UE si le pays importateur « exige ou accepte » une fumigation par contact direct avec le produit. 

Pas d’inquiétude : l’autorisation de mise sur le marché (AMM) demandée par le fabricant néerlandais UPL Holdings Coöperatief U.A., qui commercialise le PH3, est renouvelée en France a indiqué l’Anses, précisant que « la présente décision se substitue à la décision du 26 octobre 2022 ».

L’interdiction d’un autre herbicide le S-métolachlore, est, elle, maintenue, les stocks de produit, employé sur le maïs, le tournesol et le soja, pouvant être utilisés jusqu’au 20 octobre 2024. 

Au moment où le scandale du chlordécone rebondit, la France, avec la complicité de l’UE, continuera à empoisonner les travailleurs et travailleuses en France, ainsi que les populations des pays du Sud, poussant le cynisme jusqu’à se glorifier de les nourrir. À l’heure du réchauffement climatique, nous voilà plongéEs dans « les eaux glacées du calcul égoïste » !