Inscrit depuis 1991 dans la liste des projets prioritaires de l’Union européenne, le TGV Lyon-Turin reste aujourd’hui à l’état de projet, en raison de la résistance des populations de la vallée italienne de Suse.
Dans cette vallée longue de 80 km, mais large de 300 à 800 mètres, qui dispose déjà d’une autoroute, de deux routes nationales, d’une ligne de chemin de fer et de deux lignes à haute tension, l’annonce au début des années 1990 de la construction d’une nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) a suscité une véritable révolte de la population. Organisés dans les très puissants comités « No-Tav » (No Treno Alta Velocità), qui se sont développés dans tous les villages de la vallée, les habitants sont parvenus à bloquer le projet, mettant en actes leur désormais célèbre cri de guerre : « Sarà dura ! » (ça va barder).
Si les concepteurs du Lyon-Turin ont multiplié les promesses et les enveloppes pour les élus locaux, ils ne sont jamais parvenus à briser la résistance d’une population qui dénonce ce projet pharaonique, actuellement estimé à 25 milliards d’euros. Les politiciens français et italiens n’ont pas eu plus de succès lorsqu’ils ont proposé de repeindre le Lyon-Turin en vert, en associant à la LGV une ligne de fret censée alléger le transfert autoroutier de marchandises : ils n’ont pas convaincu des populations qui ont depuis longtemps constaté que la construction d’infrastructures nouvelles ne faisait qu’augmenter les nuisances du grand transport transalpin.
Le mouvement No Tav arrive toutefois à un tournant, depuis qu’en juin dernier, le gouvernement italien est parvenu à commencer les travaux de creusement d’une descenderie nécessaire à la construction du tunnel de 53 km prévu sous les Alpes. Protégé 24h/24 par des centaines de policiers et de soldats, ce chantier est l’objet d’un bras de fer permanent entre la police et les militants No-Tav, qui multiplient les manifestations pour tenter de faire arrêter les travaux. Si en 2005, les comités No-Tav étaient parvenus à prendre d’assaut et faire arrêter un premier chantier installé par le gouvernement, ils se heurtent aujourd’hui à un dispositif policier bien en place et ne pourront gagner sans solidarité internationale. L’avenir du chantier se joue sans doute en France, où la contestation de la LGV se développe pour le moment trop lentement, en raison du blocage des partis institutionnels qui, du PCF à l’UMP, en passant par le PS et EÉLV, soutiennent tous le projet de LGV.