Le gouvernement a rendu publique sa lettre de cadrage du budget 2014 : 5 milliards de coupes qui s'ajoutent aux dix milliards d'économies annuelles sur les dépenses publiques que le gouvernement a déjà annoncées pour l'ensemble du quinquennat.
Comme il n'est pas (encore) question de tailler dans les effectifs globaux de fonctionnaires (même si deux départs à la retraite sur trois ne sont pas remplacés dans les administrations non prioritaires), les ministres sont invités à mettre en place des « réformes structurelles » pour réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement, qui devaient déjà baisser de 4 % en 2014, et les investissements. Alors qu'il ne parviendra pas à réduire le déficit public à 3 % du PIB cette année, le gouvernement doit taper d'autant plus fort pour atteindre son objectif maintenu de le réduire à zéro en 2017.
Hausses d’impôts et attaque de la protection socialeDe nouvelles hausses d'impôts touchant principalement les travailleurs sont également évoquées, comme une augmentation des taxes sur le diesel ou la fiscalisation des allocations familiales. Des députés socialistes se sont également prononcés pour une hausse de la TVA à 20,5 % au lieu des 20 % prévues par le « pacte de compétitivité » (actuellement 19,6 %).Les coupes s'annoncent d'autant plus drastiques que le gouvernement s'est engagé à gaver les patrons : crédits d'impôt, exonération de cotisations sociales pour les « contrats de génération », multiplication des partenariats public-privé (avec une volte-face de Taubira qui critiquait les PPP… avant de décider de construire trois nouvelles prisons avec ce mode de financement).Les retraites sont également dans le collimateur : un document de travail du gouvernement envisage d'allonger la durée de cotisation (au nom de l'augmentation de l'espérance de vie) et de désindexer les pensions sur les prix. Un député socialiste (Le Guen) préconise de passer à la retraite à 62 ans dès 2015 (au lieu de 2017 prévu par la contre-réforme Fillon). Rocard parle de 65 ans. Qui dit mieux ? Comme pour le marché du travail, le gouvernement compte s'appuyer sur les « partenaires sociaux » pour attaquer. En effet, une négociation est en cours sur les retraites complémentaires, et les syndicats (sauf la CGT) ont d'ores et déjà accepté le principe d’une désindexation des retraites pendant deux ans. Mais le patronat exige encore plus, ce qui bloque pour l'instant la conclusion d'un accord. Le franco-suisse Cahuzac se frotte déjà les mains : « Un accord de ce type des partenaires sociaux sur les retraites complémentaires serait un élément d'appréciation très important. On ne pourra pas ne pas en tenir compte ».
L'instrument du capitalismeIl est essentiel de comprendre les ressorts de la politique du gouvernement. D'une certaine façon, Hollande n'a pas le choix. Tout gouvernement (de « gauche », de « droite », « antilibéral ») qui inscrit son action dans le cadre du capitalisme est nécessairement réduit à en être l'instrument, le serviteur. Les paroles s'envolent et la logique implacable du système impose la seule réponse capitaliste à la crise : l'accentuation des politiques d'austérité, d'autant plus importantes en France que celle-ci est en « retard » par rapport à ses principaux concurrents.Vouloir humaniser le capitalisme, c’est vouloir mettre du rouge-à-lèvres à un cochon. La politique des petits pas, au nom du réalisme, est absurde et vouée à l'échec. Il y a une alternative politique possible : la mise hors d'état de nuire des capitalistes, leur expropriation, ce qui implique la prise de contrôle des principaux moyens de production par les travailleurs et leur gouvernement. C'est le levier fondamental qui pourra permettre de transformer en profondeur les rapports sociaux, et de satisfaire tous les besoins fondamentaux tout en baissant massivement le temps de travail.
Gaston Lefranc