Il n’y a pas d’illusion à se faire sur les sommets de l’appareil d’État. Trois événements récents viennent de confirmer que ceux qui sont supposés contrôler les dérives... viennent souvent des rangs de ceux qui les ont commises. Et réciproquement !
Mardi 8 septembre, la présidence de la République a annoncé son intention de nommer François Villeroy de Galhau gouverneur de la Banque de France, en remplacement de Christian Noyer, partant en retraite. La Banque de France est censée contrôler et surveiller le système bancaire. Et ne voilà-t-il pas que pour ce poste stratégique, le pouvoir choisit quelqu’un qui non seulement a quitté l’administration pour le secteur privé mais qui, en plus, est un des dirigeants de la plus grande banque française (BNP-Paribas). Passer directement de la BNP à la Banque de France aurait été un peu grossier. L’affaire a donc été préparée...
Fin février, François Villeroy de Galhau liquidait discrètement une partie de ses stock-options obtenues à BNP Paribas, ce qui selon Mediapart lui a permis de dégager au passage une plus-value de quelque 330 000 euros sur une vente de 521 000 euros. Le 21 avril, les services du Premier ministre annonçait que François Villeroy de Galhau était nommé pour une durée de six mois responsable d’une mission sur l’investissement en France et en Europe. Sujet déjà amplement étudié dans de nombreux rapports... qui ont terminé sur des étagères. Et début septembre, la messe semblait dite.
« Exemplaire »...
Deuxième cas, la présidence de la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNTR) créée par la dernière loi sur le renseignement. À tous ceux qui s’inquiétaient de la mise en place d’une surveillance généralisée au moment du vote de la loi, Valls et son gouvernement répondaient que la dite Commission serait une garantie efficace contre les dérapages. Il y avait déjà une commission de contrôle des écoutes téléphoniques... mais son président jugé trop indépendant a été évincé au profit de Francis Delon, secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale de 2004 à 2014. Et aujourd’hui celui-ci devient président de la nouvelle commission CNTR ! Même si on ne peut avoir d’illusion sur la capacité d’une commission à freiner les logiques policières, force est de constater que ce gouvernement prend des précautions par rapport à toute possibilité d’indépendance de cette nouvelle instance.
Enfin, troisième illustration, Claude Evin, le directeur général de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, ancien ministre socialiste de la Santé, qui est intervenu lors de la dernière université d’été du PS. Ici, le gouvernement n’est pas en cause mais c’est aussi le mélange des genres. Claude Evin vient de rejoindre le secteur « sciences de la vie et santé » de la branche parisienne du cabinet d’avocats d’affaires international, DLA Piper. Dans ce cadre, il va donc être amené à intervenir sur l’industrie du médicament et les rapprochements entre les établissements de santé. Le médecin urgentiste bien connu Patrick Pelloux résume ainsi son point de vue : « Il donne quand même l’impression de partir dans le privé avec son carnet d’adresses »... Et ses relations ajouterons-nous ! Quant au PS, ce genre de pratiques est trop fréquent chez les siens pour qu’il s’émeuve.
Dans sa campagne électorale de 2012, Hollande s’engageait à mettre en place « une République exemplaire ». Jour après jour, il démontre que sur ce point aussi, sa présidence suit les traces de Sarkozy.
Henri Wilno