Publié le Dimanche 16 septembre 2012 à 21h26.

Le système de Maastricht prend l’eau

La crise économique s’approfondit. Les dernières prévisions confirment que la zone euro est en récession. François Hollande en a pris acte dimanche 9 septembre en révisant à 0,8 % la prévision de croissance pour la France pour 2013. Fondamentalement, c’est la crise entamée en 2008 qui continue.Le système de Maastricht (le traité qui a créé l’euro) est basé sur trois piliers :- l’austérité budgétaire ;- la libéralisation de l’économie : libre-circulation des capitaux, privatisations, etc.- Un rôle pivot de la Banque centrale européenne (BCE) au service des deux précédents objectifs avec notamment l’interdiction pour la BCE de financer les États et en particulier d’acheter directement des titres de la dette publique.La crise est d’une telle ampleur qu’elle ébranle ces piliers. Les objectifs d’austérité et de libéralisation ont été réaffirmés à tous les sommets européens et sont encore renforcés dans le traité budgétaire que François Hollande veut faire adopter à marche forcée au Parlement. Par contre, les dirigeants hésitent sur les modalités et l’ampleur des achats des titres de la dette publiquedétenus par les banques. En effet, les gouvernements les plus « orthodoxes  (en premier lieu l’Allemagne) assimilent ces achats à un contournement de l’interdiction de financer les États. Alors que la Réserve fédérale américaine a acquis des titres en grande quantité, la BCE s’est donc jusqu’à présent donné des limites.Ces achats de la BCE, pas plus que les Fonds mis en place par les sommets européens, n’ont calmé les marchés financiers qui demandent actuellement des taux élevés pour prêter à l’Espagne, l’Italie, etc. Dans ce contexte, des banques empruntent à 0,75 % à la BCE et gagnent beaucoup en prêtant à plus de 5 % à ces États. Ce n’est pas ça qui gêne fondamentalement les dirigeants européens mais le fait que des gouvernements comme celui de Mario Monti en Italie ou de Mariano Rajoy en Espagne puissent être en difficulté. En effet, ces gouvernements font preuve d’un grand zèle à démanteler retraites et droit du travail, comprimer les budgets sociaux, etc. au prix d’une récession accentuée et d’une envolée du chômage La spéculation contre leur dette leur crée des difficultés politiques et, par ailleurs, risque de coûter très cher aux Fonds de soutien européens si la crise financière de ces pays devenait incontrôlable. C’est là qu’intervient Mario Draghi, le président de la BCE.Jeudi 6 septembre, il annoncé que la BCE allait racheter « sans limite » aux banques et autres organismes financiers les titres de dette publique qu’ils détiennent. Cela ne concernera que certains de ces titres (les titres d’emprunt à court terme) mais, surtout, la BCE ne le fera que si les gouvernements des pays concernés présentent un plan d’austérité à la Troïka(BCE, Commission européenne, FMI). Enfin, les banques pourront encore plus facilement obtenir des fonds auprès de la BCE. Il faut noter que la BCE n’achètera pas directement aux États : cela veut dire que ceux-ci vont continuer à devoir emprunter aux banques aux taux qu’elles exigeront, tout au plus peut-on s’attendre à une décrue de ces taux (c’est le sens de l’opération Draghi).François Hollande s’est, bien sûr, félicité des décisions de la BCE alors que celles-ci visent seulement à « mettre un peu d’huile dans les rouages » pour appliquer les mêmes politiques d’austérité et de libéralisation. Ce n’est pas du tout un remède« anticrise » mais, au contraire, des mesures de « court terme » qui contentent les marchés financiers, d’ailleurs les cours des actions des banques ont progressé fortement depuis les annonces de Draghi (près de 10 % pour l’action BNP par exemple). Sans lire dans le marc de café, on peut pronostiquerque, sous les coups deboutoir de la crise économique, l’ébranlement du système de Maastricht va continuer : mais que des solutions réellement alternatives ne pourront s’imposer qu’avec une mobilisation sociale et politique de grande ampleur.Henri Wilno