Publié le Mardi 9 mai 2017 à 11h17.

LVMH : Le monde va mal, le luxe va bien...

Alors que le chômage, la précarité et la stagnation des salaires mettent des millions de gens dans l’incertitude, les produits de luxe se vendent très bien.

Le petit monde boursier a suivi fin avril la réorganisation de LVMH, le groupe de luxe contrôlé par Bernard Arnault, dont la fortune a augmenté de 22 % au cours de l’année passée pour s’établir à 41,5 milliards de dollars. Les initiales LVMH fond référence au noyau initial du groupe (Louis Vuitton – maroquinerie –, Moët – champagne – et Hennessy – cognac ), qui s’est depuis fortement développé et diversifié. L’opération en cours vise à racheter complètement le couturier Christian Dior et à renforcer le contrôle de la famille Arnault.

Celui-ci s’exerce par le biais d’une structure dénommée Groupe familial Arnault qui va désormais contrôler directement 47 % du capital de LVMH. Cette opération a réjoui les actionnaires autres que les membres de la famille Arnault car les cours ont monté, mais surtout augmente de 6 milliards d’euros le patrimoine d’Arnault (celui-ci endette le groupe mais reçoit à titre personnel le produit de l’emprunt...).

Toujours plus pour Arnault...

Tout baigne donc pour Arnault et sa famille, la seule ombre au tableau ayant été le film de François Ruffin, Merci patron !, qui a mis en lumière les dégâts sociaux créés par la façon dont LVMH gérait ses sous-traitants. Son écho a été important malgré les moyens dont dispose Bernard Arnault pour peser sur les médias...

Le chiffre d’affaires de LVMH s’établit à 38 milliards d’euros : augmentation de plus de 20 % entre 2014 et 2016. La France n’en représente que 10 % alors que l’Asie hors Japon (c’est-à-dire surtout la Chine) en représente le quart.

Pourquoi une telle prospérité de ce groupe de luxe (et des autres groupes français sur ce créneau) ? L’expansion de LVMH s’inscrit dans un mouvement global. Le marché mondial des biens et services de luxe au sens large (pas seulement les parfums, alcools et vêtements mais aussi les voitures, les yachts, le tourisme haut de gamme…) a représenté l’an dernier un chiffre d’affaires de plus de 1 000 milliards d’euros : une progression moyenne de 4 %.

Et toujours plus d’inégalités !

L’expansion des ventes de ces produits a une cause très simple : l’augmentation des inégalités et la captation de la croissance par les revenus les plus élevés. « Une disparité croissante des revenus va de pair avec une croissance du marché du luxe », note ainsi Luca Solca, responsable des produits de luxe dans la banque Exane BNP Paribas. Ces inégalités permettent aux industriels du luxe à la fois d’étendre leur marché et d’augmenter leurs prix. Un indice international des prix des biens de luxe calculé depuis 1976 a ainsi grimpé de 800 % en 35 ans, contre 300 % pour l’indice des prix des biens de consommation.

Cette hausse des prix pratiqués reflète à la fois le pouvoir d’achat croissant des plus riches et leur comportement de consommation. Une part des produits de luxe sont également acheté par des membres des « classes moyennes » qui veulent marquer leur ascension sociale. La disponibilité à payer des prix très élevés s’explique secondairement par des différences de qualité et surtout par le fait que les produits de luxe ont une valeur sociale bien supérieure à leur valeur d’usage : ils permettent de se distinguer des « gens ».

Le marché du luxe ne concerne pas que les pays riches : partout dans le monde, les couches privilégiées sont concernées et les produits qu’elles se procurent sont parfois à des années lumières des possibilités financières de leurs concitoyens. Ainsi sont mises en vente au Vietnam des voitures dont le prix représente... près de deux siècles de salaire d’un Vietnamien moyen.

La santé insolente des industries de luxe n’a rien de paradoxale. Elle n’est pas contradictoire avec le marasme de l’économie et les incertitudes qui pèsent sur les conditions d’existence de la majorité de la population mondiale. Elle est une preuve supplémentaire de l’absurdité de l’économie capitaliste, incapable d’assurer à chacunE des conditions de vie digne, alors qu’une minorité nage dans l’opulence...

Henri Wilno