Après avoir confirmé l’implantation d’une « giga-usine » de batteries près de Dunkerque, et reçu à Versailles 200 patrons venus de tous les continents, Macron a osé affirmer que la « réindustrialisation de la France » était en marche, s’auto-félicitant des annonces d’une création de 8 000 emplois au total dont 3 000 à Dunkerque.
À son invité d’honneur Elon Musk, fervent admirateur de Trump qui s’est dit « très impressionné » par le président français, Macron a déclaré : « Nous avons tant à faire ensemble ».
Des emplois supprimés par dizaines de milliers depuis 20 ans
Depuis 40 ans, en France, les effectifs salariés de la construction automobile ont chuté d’un tiers et sont passés de 330 000 il y a 20 ans à environ 200 000 aujourd’hui. À rapporter aux 3 000 emplois possiblement créés près de Dunkerque.
L’irruption des voitures à moteur électrique va aggraver restructurations et pertes d’emplois chez les constructeurs automobiles. Alors que le coût des batteries représente presque la moitié du prix d’une voiture électrique, les chaînes de production et de valeur de toute la filière automobile sont en cours de reconfiguration. Apparaissent de nouveaux gisements d’activité d’où sont espérées de nouvelles sources de profit à la dimension de l’industrie automobile mondialisée.
Alors qu’aujourd’hui 80 % des batteries de type standard pour voitures électriques sont fabriquées par des firmes chinoises, le total des plans annoncés en Europe pour l’horizon 2030 atteint déjà la capacité pour équiper 30 millions de voitures. Les annonces de Macron s’inscrivent dans ce contexte où la concurrence est exacerbée entre firmes et entre pays pour les accueillir à coups de subventions et d’avantages fiscaux. Gouvernement et région Hauts-de-France ont ainsi su attirer à Dunkerque la firme taïwanaise ProLogium. Le montant de la subvention qui lui a été accordée n’a pas été publié. Selon le quotidien les Échos, les seules subventions directes seraient comprises entre 1 et 1,5 milliard d’euros pour un investissement total de 5,2 milliards et 3 000 emplois à l’horizon 2030. C’est cher payé l’emploi créé !
Giga pour milliards de profits à coups de subvention publique
Le terme de « giga » s’applique sans conteste aux profits générés et aux dégâts causés par l’extraction massive notamment du cobalt et du nickel indispensables à ces batteries.
Le tout pour quelques milliers d’emplois, jamais plus de 5 000 par usine alors que les sites historiques de Renault-Billancourt, de Peugeot-Sochaux ou de Fiat Mirafiori avaient compté jusqu’à 40 000 ouvrierEs. Et pour continuer à produire des voitures individuelles subventionnées qui, même électriques, sont une fausse solution à l’urgence climatique.
Ce qui est appelé « désindustrialisation », encore plus marquée en France que dans d’autres pays européens, résulte d’abord des choix des capitalistes à la recherche d’une main-d’œuvre exploitable et moins bien payée et/ou de nouveaux marchés. Macron et son gouvernement prétendent réindustrialiser mais, s’inscrivant dans la reconfiguration mondiale des chaînes de valeur, ils privilégient les activités les plus immédiatement rentables pour le capital. Quoi qu’il en coûte pour l’emploi et l’urgence climatique ! Chacun des fameux investissements étrangers vantés par Macron ne génèrent en moyenne que 33 emplois, selon la source même qu’utilise Macron. Il s’agit du chiffre le plus bas de toute l’Europe.
Satisfaire les besoins les plus nécessaires, partager le travail
La question de la destruction des outils de production est un enjeu sérieux, mais la reconstruction du monde d’avant est une impasse et n’est pas souhaitable. Ce monde qui génère des usines dangereuses pour l’environnement et pour celles et ceux qui y travaillent, la permanence de l’exploitation du travail et des productions développées ou abandonnées en fonction de la seule rentabilité capitaliste.
Lors de la pandémie un débat avait surgi sur le caractère utile ou non des diverses activités de production. Le mouvement ouvrier et syndical s’en était saisi pour revendiquer au cas par cas la suspension d’activités non essentielles.
Des activités de production sont indispensables : il y a tant de besoins insatisfaits en termes d’équipements pour la santé et les services publics, pour la mobilité ou pour l’isolation thermique de dizaines de millions de logements. Mettre l’économie et la production à l’endroit, c’est satisfaire les besoins les plus nécessaires, partager le travail entre toutes et tous, et réduire massivement le temps de travail. Assez de la fascination pour ces « start-up » porteuses de régression sociale.