La crise grecque est une crise du système capitaliste et une crise de l’Union européenne, aujourd’hui menacée de dislocation. Le plan d’austérité imposé à la population par une sainte alliance du FMI, des gouvernements de l’UE et du gouvernement socialiste grec n’est d’ailleurs pas seulement une punition infligée aux travailleurs et aux retraités grecs mais l’annonce de plans d’austérité généralisés en Europe. Les 100 milliards d’euros du plan de rigueur français de François Fillon le prouvent ! Ces éléments dramatiques dans leur application, parce qu’ils impliquent des coupes claires dans les dépenses publiques, la protection sociale et les revenus de la population, rappellent les fondamentaux de l’Union européenne que nous dénonçons depuis le traité de Maastricht de 1992. L’Europe des 27 est aux ordres des marchés. Elle organise la concurrence, la compétition entre les peuples, les travailleurs, les systèmes fiscaux et sociaux d’Europe au plus grand profit des capitaux et des marchés. Avec une logique terrible de nivellement vers le bas. Pour être plus compétitif que le voisin : diminuer les dépenses publiques et les impôts pour les plus riches, baisser constamment les « charges » pèsant sur les entreprises, le « fardeau » qui nuit à l’investissement des fortunes, fiscaliser le moins possible les bénéfices des entreprises. Désormais, les gouvernements européens sont passés à une autre étape. Inquiets d’un monde capitaliste qui change d’axe et se réoriente vers l’Asie et les puissances émergentes, les capitalistes européens tremblent de perdre ici même la compétition mondiale. Dès lors les acquis sociaux accumulés par des décennies de luttes en Europe apparaissent comme des boulets dans la nouvelle donne mondiale du capitalisme. Un boulet dont il faut se débarrasser à coups de plans d’austérité, de remise en cause du droit à la retraite ou de baisses de salaire, pour mettre les travailleurs européens aux normes du strandard mondial. La violence d’un tel plan implique aussi des regressions en termes de démocratie. Le FMI qui sévissait dans le tiers-monde frappe à la porte de l’Europe. Tout un symbole. L’Union européenne organisée par les traités successifs n’est pas un espace solidaire, mais une machine à détruire les acquis sociaux du mouvement ouvrier européen. Cette Europe a été conjointement construite par les conservateurs libéraux et par la social-démocratie européenne. Celle-ci nous promettait l’Europe sociale au bout du chemin des déréglementations libérales. La crise grecque est l’heure de vérité. L’Europe du capital se construit contre l’Europe des peuples. Les Grecs n’ont pas d’autre choix que d’accepter la dictature du FMI et des gouvernements de l’UE. Comme ceux-ci acceptent la dictature des marchés financiers qu’ils ont pourtant sauvés l’an passé de l’effondrement en s’endettant pour pouvoir les renflouer. Il fallait entendre un François Fillon nous expliquer que les agences de notation ne sanctionnaient pas la France. Des agences de notation que l’on connaît comme intrinsèquement liées aux Bourses et aux intérêts des marchés. Dès lors, la dette grecque est l’occasion de justifier un plan d’austérité déjà dans les tuyaux, tant il est vrai qu’en France aussi, ce même gouvernement qui a multiplié les cadeaux aux plus favorisés veut désormais faire payer la facture de la crise à la population. Jamais l’exigence d’une coordination des résistances, des mobilisations et des alternatives à l’échelle européenne n’a été aussi impérative. C’est la solidarité et le refus de payer la note qui doit s’exprimer partout en Europe. Le PS en votant le plan imposé à la Grèce, son volant français et son taux d’intérêt à 5 % vient d’adopter une position honteuse et révoltante. Du directeur du FMI, le socialiste français Dominique Strauss Kahn, au gouvernement socialiste grec de Papandréou jusqu’à ce vote parlementaire français ; la ligne de partage qui traverse la gauche entre le « oui » au capitalisme dans toute sa brutalité et le « non », entre adaptation et résistance, se réactualise. En Grèce comme en Europe, il s’agit de regrouper celles et ceux qui refusent les plans d’austérité, refusent de rembourser une dette qui n’est pas la leur mais le produit de 25 années de défiscalisation libérale des plus riches et des entreprises. Qui veulent une autre Europe : celle des peuples, de la solidarité et des coopérations, des services publics, des droits sociaux et démocratiques unifiés par le haut, d’une écologie sociale antiproductiviste… Bref ni l’acceptation docile des diktats de l’Europe des marchés ni le repli nationaliste mortifère de l’extrême droite.
Dès lors, une gauche anticapitaliste européenne pourrait défendre l’annulation des dettes, la nationalisation des banques européennes et la mise en place d’un service public bancaire européen qui aurait le monopole du crédit. Qui permettrait de prendre le contrôle de l’euro, de l’économie, d’imposer une autre répartition des richesses et de l’emploi, de développer des plans de reconstruction économique et sociale dans une logique de développement durable. Un changement de cap complet. Conditionné à l’engagement dans la mobilisation de millions d’hommes et de femmes révoltés. Là aussi les Grecs montrent la voie.
Pierre-François Grond