Publié le Mardi 7 juin 2016 à 08h36.

Des coupes budgétaires brutales dans la recherche ?

L’annonce intervenue le 18 mai dernier du projet de suppression par décret de 256 millions d’euros de crédits 2016 pour la mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur, principale source de financement de la recherche civile, a provoqué quelques remous au sein de la communauté scientifique nationale.

Cette suppression budgétaire porterait essentiellement sur la recherche pour 168,7 millions d’euros, avec 134 millions d’euros supprimés sur les organismes de recherche publics (CNRS, CEA, INRA, INRIA), 23,1 millions d’euros sur la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable, 6,6 millions d’euros sur la recherche culturelle et la culture scientifique, 5 millions d’euros sur la recherche spatiale. L’enseignement supérieur universitaire est également mis à contribution et voit son budget diminuer de 50,2 millions d’euros, et 26,05 millions d’euros pour la recherche et l'enseignement supérieur en matière économique et industrielle. Enfin, 10 millions d’euros sont supprimés du programme vie étudiante pour des opérations immobilières, et 1,2 million d’euros du programme enseignement supérieur et recherches agricoles.

Il va sans dire que le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) n’échappe pas à la logique des restrictions budgétaires imposée depuis des années à l’ensemble des services publiques. Les rythmes et modalités y sont certes spécifiques, mais ce n’est pas une surprise, contrairement à ce que disent la récente tribune de huit personnalités scientifiques parue dans Le Monde du 24 mai 2016 ou les arguments « d’exception » développés par des personnalités syndicales et associatives de l’ESR.

De l’argent il y en a, mais pour faire quoi ?

Cette annonce d’annulation de crédits fait suite aux annonces de relance de programmes financés par appels d’offres et administrés directement par le Premier ministre au travers du Commissariat général à l’investissement, au détriment donc de crédits « pérennes » gérés par le secrétariat d’État à l’ESR. Pour essayer de rassurer les personnalités scientifiques, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé presque sur le champ que, dès le mois suivant, une enveloppe supplémentaire de 65 millions d’euros va permettre à l’ANR (Agence nationale de la recherche) de retenir davantage de projets en 2016. De l’argent, il y en a donc... quand il s’agit d’accroître la logique de recherche sur projet, en lien direct avec les « besoins » des entreprises. 

Inverser la vapeur ne se fera donc pas sans remettre en cause profondément la logique de profit qui surdétermine l’ensemble des politiques d’austérité. Il est vain – et source de division – que de s’accrocher à une prétendue exception culturelle de l’ESR. Encore plus vain de croire que les classes dirigeantes auraient mal compris l’apport de l’ESR dans leur business et qu’il suffirait de les convaincre par la raison pour qu’ils reviennent sur toutes leurs contre-réformes passées et à venir... L’ESR n’est qu’un maillon parmi d’autres dans leur sale besogne de démantèlement et d’annihilation des services publics.

Lundi 30 mai, François Hollande aurait finalement renoncé aux annulations de crédits sur les organismes de recherche (134 millions d’euros), après avoir reçu à l’Élysée six des huit personnalités scientifiques « indignées »... Un désamorçage tactique alors que l’exécutif se prépare prochainement à de rudes mobilisations sociales contre la loi travail ? Plus que jamais, il faut donc répliquer tous ensemble !

Correspondant