Le travail de sape de la classe dominante se poursuit pour remettre en cause les acquis sociaux des fonctionnaires. Début septembre, Luc Chatel lançait son « pacte de carrière », une politique qui ne vise qu’à précariser encore plus le travail des fonctionnaires, dont les enseignants. Le gouvernement vient ainsi de publier un décret qui autorise le licenciement des fonctionnaires, au nom de la « réorientation professionnelle ». Le texte prévoit qu’un fonctionnaire dont l’emploi est susceptible d’être supprimé peut être licencié, en cas de restructuration d’une administration de l’État ou de l’un de ses établissements publics administratifs, s’il refuse trois offres d’emploi.
Cela signifie que des enseignants dont l’établissement ou la filière viendrait à disparaître pourraient se retrouver au chômage. Ce n’est pas de la fiction. On assiste déjà à cela dans l’enseignement privé sous contrat, où les profs sont « agents de la fonction publique » et non fonctionnaires. La commission nationale d’affectation du ministère a constaté cette année l’absence de postes dans la filière génie industriel matériaux souples et cuir et a licencié plusieurs enseignants. Autre projet de remise en cause des statuts : « la mutualisation des moyens enseignement public-privé ». La Commission des finances du Parlement vient de publier un rapport qui préconise l’expérimentation de cette fameuse « mutualisation » pour l’enseignement agricole, s’appuyant sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet, où la question de l’école a été intégrée. Ce rapport « examine comment les obstacles statutaires et d’organisation pourraient être levés ». Le but est simple : faire des économies, gérer la réduction permanente du nombre de postes.
Cela se traduit par un rapprochement inédit de l’enseignement public et privé sous contrat. Les objectifs affichés sont clairs : « mise en commun de moyens de remplacement public/privé [...] ; la facilitation de la mobilité et des parcours professionnels des personnels (mutation d’enseignants, de personnels de direction, gestionnaires), organisation d’actions communes de formation continue des agents ». L’expérimentation à l’enseignement agricole n’est évidemment qu’une première étape vers une remise en question sans précédent de l’école publique. En effet, cela ne remet pas en cause l’enseignement privé et n’améliore pas la situation des enseignants du privé sous contrat (qui sont moins bien payés et plus précaires que dans le public), mais bien au contraire de tirer vers le bas les conditions de travail en rapprochant le public du privé, où la nomination des profs est soumise à l’accord du chef d’établissement. La réforme des retraites a également été l’occasion de passer des coups en douce contre la retraite des enseignants et de casser les statuts : fin du « traitement continué » (donc obligation de prendre sa retraite à la fin du mois de l’âge de départ) et suppression de la Cessation progressive d’activité. Cette accumulation de réformes, décrets, expérimentations s’inscrit dans une politique globale qui vise à démanteler la fonction publique, dégrader et privatiser encore les services publics.Antoine Boulangé