Depuis le mois de mars 2024, un projet de programme d’éducation à la sexualité (EVARS) est prêt, validé par le CSP (Conseil supérieur des programmes). Celui-là même que la ministre de l’Éducation nationale a annoncé vouloir revoir…
Le but de ce programme est de mettre en œuvre bien plus largement la loi Aubry de 2001 qui impose 3 séances d’éducation à la sexualité par an à l’école, dans tous les niveaux, de la maternelle à la terminale. Actuellement, seuls 20 % des élèves ont accès à ces séances.
Ce texte souhaite que l’éducation à la sexualité, à la vie relationnelle et affective « contribue à la lutte contre toutes les discriminations de sexe, d’identité de genre et d’orientation sexuelle (hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, asexualité) » et « vise à construire une culture commune de l’égalité et du respect ».
Alors que tout le monde est d’accord pour souligner l’importance de la prévention des violences sexistes est sexuelles, ce programme est un point d’appui pour les enseignantEs. Il est soutenu par de nombreuses associations (Planning familial, Sidaction…) et syndicats.
Les intimidations de l’extrême droite
Depuis mars, les choses traînent et plusieurs groupes d’extrême droite font campagne contre, en répandant des rumeurs totalement diffamatoires : ce programme promouvrait par exemple la « pornographie » et la « pédophilie » ! Deux associations sont particulièrement actives : Parents Vigilants, lié au parti Reconquête de Zemmour, et SOS Éducation, association ultralibérale et ultraconservatrice proche des milieux catholiques anti-IVG et des opposantEs au Mariage pour toutes et tous.
Ludivine de la Rochère, figure de proue de la Manif pour tous en 2013, a également envoyé un courrier dans de nombreux établissements scolaires pour intimider les collègues qui mettraient en place ces séances. La presse Bolloré, JDD en tête, a repris les mêmes mensonges « antiwoke » ces derniers jours.
Au sein même du gouvernement Barnier, ces idées sont propagées. Le 27 novembre, le ministre délégué à l’Enseignement professionnel, Alexandre Portier, proche de Wauquiez, a ainsi déclaré que : « le programme n’était pas en l’état “acceptable”, qu’il était hors de question de “laisser faire n’importe quoi” et qu’il s’engageait, comme “élu et père de famille”, à ce que la “théorie du genre” n’ait pas sa place à l’école ». Il reprend ce faux concept agité depuis des années par l’extrême droite de « théorie du genre », qui charrie toute une série de paniques morales autour de la sexualité et de l’identité, et sert le plus souvent de paravent à une homophobie, une transphobie et un sexisme décomplexés.
Encore des concessions aux franges réactionnaires
Dans le projet de programme, il n’est question que « d’identité, de stéréotypes de genre », termes qui sont déjà dans le code pénal et dans d’autres textes de l’Éducation nationale. Ces concepts sont essentiels si on veut réellement lutter contre les discriminations et permettre une entrée épanouie des jeunes dans la sexualité et la construction de leur identité, de leur orientation sexuelle. Rappelons, par exemple, que selon l’INSERM, le taux de suicide des jeunes homosexuelEs, bi, trans est 6 à 7 fois plus élevé que la moyenne.
La ministre de l’Éducation Anne Genetet maintient qu’elle va mettre en place ce programme, tout en disant qu’elle va le revoir. Il risque bien d’être en fait vidé de sa substance, voire enterré pour faire des concessions supplémentaires aux franges réactionnaires. Cette dérive homophobe est soutenue au plus haut niveau. Comme le dit James Leperlier, de l’Inter LGBT : « La proposition de loi visant les mineurEs trans était portée par Les Républicains, la famille politique d’Alexandre Portier. En juin, Emmanuel Macron a déclaré que le changement d’état civil libre et gratuit, c’était ubuesque… On parle de violences sexistes le samedi et on parle de théorie du genre le mercredi, c’est totalement hypocrite ».
On voit bien de quel côté est en train de pencher le gouvernement Barnier et Macron qui multiplient les concessions à l’extrême droite. Défendons donc ce programme et exigeons enfin de véritables moyens pour l’éducation à la sexualité et la lutte contre les discriminations à l’école.
Antoine Boulangé