À la rentrée scolaire 2012, alors que les suppressions de postes se faisaient une fois de plus cruellement ressentir dans l’Éducation nationale, le ministre Vincent Peillon insistait sur la nécessité d’enseigner la morale laïque à l’école qui, dans un pur esprit pétainiste, serait un vecteur de redressement intellectuel et moral de la France. C’est dorénavant chose faite.La loi d’orientation et de refondation de l’école de 2013 entérine la disparition de l’éducation civique et son remplacement par un enseignement « moral et civique ». Mais, à la décharge du ministre de l’Éducation nationale, il faut noter que ce dernier s’inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs qui, de droite comme de gauche, n’ont eu de cesse ces dernières années de remettre la morale au goût du jour. Instaurée en 1882 par la IIIe République, supprimée en 1968, la morale fait son retour en 1985 dans les programmes de l’enseignement primaire sous l’impulsion de Jean-Pierre Chevènement qui, en fervent républicain, invente cette discipline des plus ambiguës qu’est l’éducation civique. De Bayrou à Claude Allègre, ses successeurs se chargeront de la diffuser dans les enseignements au collège et au lycée.Des valeurs au contrôle socialCertes, le glissement sémantique du civisme à la morale laïque n’est pas anodin, mais il s’agit ici d’une opération de communication. Car à y regarder de plus près, derrière l’effet d’annonce se dissimule surtout une coquille vide. L’éducation civique remplit déjà parfaitement les offices de la morale laïque puisqu’on y inculque déjà les valeurs de la République, avec une dimension morale et laïque importante, et cela sans le moindre esprit critique. Au point qu’il n’est pas aisé dans les établissements, notamment les plus défavorisés, d’enseigner des concepts comme l’égalité ou la solidarité à des élèves qui subissent la violence sociale au quotidien.Plus grave encore, l’enseignement « moral et civique », ne recouvre plus seulement des valeurs à connaître, mais des compétences à valider par chaque élève dans son livret personnel de compétences (LPC). Grâce à cette morale laïque, l’institution scolaire peut attester, ou pas, qu’un élève est apte à bien se comporter en groupe, à agir en citoyen et à respecter les valeurs de la République. Sachant que le LPC est destiné à suivre l’élève, puis l’étudiant, dans toute sa scolarité et qu’il pourra, à terme, être utilisé sur le marché du travail, la morale laïque peut se transformer en instrument de contrôle social renforcé.Camille Jouve
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