Ce n’est malheureusement pas la première fois que, dans le cadre scolaire, la violence sociale subie par les enfants frappe, blesse et même tue. Au lycée Paul Éluard de Saint-Denis, le coup de poignard porté en pleine classe le 30 septembre n’a pas été mortel, mais a bien évidemment frappé et traumatisé l’ensemble des élèves présents et, au-delà d’eux l’ensemble des élèves et des personnels du lycée, mais aussi les familles.
Ce qui est inacceptable, c’est que ce drame n’est pas le résultat d’un malencontreux et imprévisible rapport individuel qui aurait dramatiquement dérapé. « Deux morts en moins de deux mois ne sont que les versants les plus dramatiques de la violence quotidienne que subissent nos élèves » écrivaient ainsi en novembre 2019 les enseignantEs du lycée professionnel d’Alembert à Aubervilliers après la mort de Kewi et Djadje. Mais les réponses politiques du ministère de l’Éducation nationale et du gouvernement, ainsi que du conseil régional, sont simplissimes : refuser les moyens d’un plan d’urgence pour lutter contre les inégalités structurelles dans le 93, noyer l’opinion sous le déferlement d’une propagande que le RN peut revendiquer sans problème. Ce ne serait qu’une affaire d’« ensauvagement » et de montée du « séparatisme », dont la responsabilité incomberait aux populations désignées « musulmanes ».
Répondre à la misère sociale et à la détresse
Les seules réponses sont le déploiement de politiques répressives et de défiance généralisée qui commencent par le durcissement des lois sur l’entrée sur le territoire et se déclinent à tous les étages jusqu’à l’armement de la police municipale que met en place le nouveau maire de Saint-Denis, ou les brigades régionales de sécurité installées dans les lycées, dont Paul Éluard.
Pourtant le drame de Paul Éluard appellerait des réponses beaucoup plus simples et moins coûteuses. Le nœud de l’agression est en effet la révolte d’un jeune homme de 19 ans, arrivé récemment en France et moqué jusqu’au harcèlement pour sa non maîtrise du français. Il y a urgence à inverser les politiques de destruction des classes d’accueil des enfants non-francophones qui ont de moins en moins de temps pour acquérir la pratique de la langue et de la compréhension du système scolaire. Dans le 93, cela fait deux ans que les enseignantEs se mobilisent pour exiger des moyens pour ces classes menacées de fermeture. Depuis la rentrée scolaire, les enseignantEs de Saint-Denis dénoncent, dans trois des quatre lycées de la ville, l’absence d’assistantes sociales, d’infirmières scolaires, de conseillères d’orientation psychologues. C’était le cas à Paul Éluard, où c’est un élève qui a dû prodiguer les premiers secours au blessé en l’absence d’infirmière. Ce ne sont pas les brigades régionales de sécurité, qui avaient séparé la veille les deux élèves, qui ont la formation pour gérer une situation de harcèlement. Il faut dans les établissements des psychologues scolaires qui fassent, dans le cadre d’un pôle médico-social, un travail continu pour répondre à la misère sociale et à toutes les formes de détresse qu’elle génère.
Ces réponses, que les salariéEs et usagerEs de l’école portent, ne pourront être imposées que par la mobilisation contre des pouvoirs publics qui tournent le dos aux besoins vitaux, dont l’éducation.