Publié le Jeudi 20 juin 2019 à 22h37.

Enseignement supérieur et recherche. On relève enfin la tête ?

De réformes en réformes, de plan d’économie en restrictions budgétaires, l’enseignement supérieur et la recherche en France s’installent toujours un peu plus dans la précarité systémique des personnels et le manque de moyens. Ces dernières années, le renforcement du financement sur projet au dépend des financements propres et le désinvestissement de l’État dans l’emploi statutaire se sont accélérés. 

Le résultat de cette politique se traduit par une précarisation toujours plus forte des chercheuses et chercheurs. Elle se traduit aussi dans une véritable gabegie financière : des moyens colossaux se concentrent dans certains laboratoires et servent à l’achat de matériels rapidement inutilisés faute de personnels compétents pour s’en servir. 

Cette année les suppressions de postes ont explosé

Illustration la plus criante, au CNRS le recrutement au poste de chargés de recherche est descendu de 300 à 250 postes. Pour certaines disciplines c’est la moitié des postes ouverts au concours qui a disparu en 2018. Entre 2007 et 2018, le CNRS a supprimé 338 postes de chercheurs et 820 postes d’ingénieurs et techniciens : un véritable plan social qui ne dit pas son nom.

Le dysfonctionnement devient la norme : l’enseignement et la recherche reposent en grande partie sur le travail bénévole des jeunes chercheuses et chercheurs (et on est souvent jeune jusqu’à 40 ans dans ce milieu…). Un bénévolat contraint motivé par l’espoir d’améliorer son dossier pour tenter de passer des concours de plus en plus difficile. Pendant ce temps les chercheurs statutaires passent le plus clair de leur temps à rechercher et justifier des financements au lieu de faire leur métier. 

Des tentatives variées pour résister

Dans un milieu qui peine à construire des cadres de résistance collectifs, des tentatives ont été faites ces dernières années : Sauvons la recherche, Sauvons l’université, Marche pour la science… Aucun n’est jusqu’ici parvenu à peser réellement dans la balance.  L’an dernier ce sont les précaires qui sont montés en première ligne (appel des 68+ de Nanterre…). Ces tâtonnements sont cependant des points d’appuis pour construire un mouvement d’ensemble de la recherche et de l’enseignement supérieur. 

Deux initiatives récentes viennent redonner du souffle : l’appel solennel aux titulaires de la fonction publique lancé par plusieurs collectifs de précaires et l’appel « le CNRS fêtera-t-il ses 100 ans ? » signé par 177 lauréats du conseil européen de la recherche. 

Le constat est le même des deux côtés : le gouvernement et sa politique de casse du service public d’enseignement et de recherche nous envoie dans le mur. L’appel solennel lancé par les collectif de précaire ouvre en outre des pistes concrètes pour l’action : « Des modes d'action existent pour se faire entendre […] : refuser d'assurer des sur-services ; refuser de recruter des enseignantes et enseignants vacataires au sein de son unité d'enseignement ; se prononcer et voter dans les différents conseils d'UFR et centraux contre tout gel ou toute suppression de poste et pour l'embauche de titulaires enseignants et administratifs (les personnels administratifs souffrant également de cette précarisation à tous niveaux) ; se mettre en grève administrative et retenir les notes. » Les précaires appellent « les syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche à nous soutenir activement, à diffuser cet appel auprès des titulaires de l'ESR, et à organiser dès à présent au sein des universités des réunions pour discuter des modes d'action à entreprendre, et apporter une réponse cohérente et solidaire. »

Les fusions d’universités qui préparent le transfert au privé des formations rentables (à Nice, par exemple, les masters payants à plusieurs milliers d’euros l’année remplacent déjà des formations gratuites…), l’augmentation généralisée des frais d’inscriptions préparée de manière cynique par celle des étudiants étrangers, la dégradation des conditions d’études, etc. sont le pendant de cette politique du côté des étudiants. Aujourd’hui c’est un mouvement d’ensemble des enseignant.e.s chercheur.se.s, chercheur.se.s et étudiant.e.s que nous devons construire pour un enseignement supérieur de qualité, ouvert à tous et un système de recherche qui serve les intérêts du plus grand nombre et pas ceux des capitalistes.

NT