Macron a annoncé le 5 avril la « réforme » de la formation des enseignantEs avec un nouveau concours à bac+3 dès la rentrée prochaine et la création des « Écoles normales du 21e siècle ». Ce projet vise avant tout à « élargir le vivier » de candidatEs car depuis plusieurs années il y a un déficit d’enseignantEs.
Cela confirme l’échec de la politique de Macron lui-même puisque cette énième réforme fait suite à la réforme Blanquer de 2022 qui avait fixé le recrutement à bac+5 et conduit à un effondrement prévisible des candidatEs aux concours. On se félicite du passage du concours à bac+3 et l’annonce d’une formation rémunérée pendant deux ans car plus la durée d’études avant le concours est longue, plus les candidatEs des milieux populaires sont excluEs. Mais le contenu de la réforme est plus qu’inquiétant.
Les « valeurs républicaines » au centre de la formation
Macron prétend que c’est la formation des enseignantEs qui est à l’origine du manque d’attractivité du métier, alors que cette crise est due avant tout à la baisse des salaires et la dégradation des conditions de travail. Cette réforme risque de ne rien changer au problème de fond.
C’est l’employeur Éducation nationale qui va reprendre fortement la main sur le contenu et les modalités de formation au détriment de l’université. Dans le document du ministère, à toutes les pages, il y a un matraquage de formation aux « valeurs républicaines et la laïcité ». C’est en fait une vision totalement dogmatique et passéiste du métier enseignant qui serait un relais des obsessions racistes, islamophobes, militaristes, anti-jeunes du gouvernement. Dans le projet, la formation en pédagogies critiques, en sociologie, en psychologie de l’enfant est réduite à la portion congrue. Les futurEs enseignantEs deviendraient de simples exécutantEs des directives du ministère, mettant en œuvre des méthodes imposées par en haut, conduisant vers la perte de toute liberté pédagogique et le renforcement d’une vision autoritaire de l’école, en particulier pour les élèves des classes populaires.
Des formateurs triés et menaces sur le statut
Une perspective complètement confirmée par l’organisation des nouveaux INSPÉ (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation). Ils seront dirigés par des inspecteurs généraux. Les formatrices et formateurs seront « choisis » par l’employeur (IPR, IEN, c’est-à-dire les inspecteurs), avec des contrats précaires. On imagine bien que les critères de choix seront la capacité à relayer le bien-fondé des consignes ministérielles : « bienfaits » de l’uniforme et du SNU par exemple, méthodes d’apprentissage des maths et du français imposées… La liberté pédagogique et l’esprit critique ne font clairement pas partie des objectifs de Macron. C’est bien une « caporalisation » de la formation qui va se mettre en place.
Il y a également fortement à craindre que les objectifs ne soient pas seulement idéologiques, mais aussi économiques, et que cette réforme des concours mène à un démantèlement progressif du statut des fonctionnaires. Il y a comme un « agenda caché » de Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, qui veut généraliser la contractualisation. Comme pour la réforme de la SNCF ou de France Télécom, c’est en s’attaquant au statut des nouveaux entrants qu’on déstabilise rapidement le système et qu’ensuite tous les personnels, contractuels comme fonctionnaires, verront leur statut se dégrader.
Disparition des masters MEEF
Un vaste plan social dans les INSPÉ est également annoncé par le gouvernement. Les masters MEEF (Métiers de l’enseignement) ont vocation à disparaître : « de nouveaux masters seront créés. Cette réforme, c’est tout un nouveau paradigme, une nouvelle gouvernance, de nouveaux formateurs, de nouvelles méthodes, les statuts des élèves vont être changés, donc ce seront de nouveaux masters ». Avec l’intersyndicale CGT, FSU, CFDT, FO, UNSA, SUD, les personnels ne comptent pas se laisser faire. Pour obtenir le report de la réforme et l’ouverture de véritables négociations, une première journée d’action « INSPÉ morte » est prévue le 6 mai. Nous luttons pour une véritable formation universitaire attractive et émancipatrice. Cette bataille fait partie d’un mouvement plus global de mobilisation dans l’éducation contre le « choc des savoirs » et concerne tous les enseignantEs.
Antoine Boulangé