Depuis juin, trois rapports sont sortis (Cour des comptes, Sénat, CAP 22), qui remettent en cause la structure actuelle de la formation des enseignantEs. Ils sont convergents et permettent de comprendre ce que Blanquer prépare depuis la rentrée…
Avec la loi sur « L’école de la confiance », la fin des Espé (École supérieure du professorat et de l’éducation) semble actée, remplacés par des INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation). Au-delà du changement de nom, c’est un changement global de la formation qui est prévu. Au lieu de concevoir l’enseignement comme « un métier qui s’apprend », la philosophie générale du projet est « le métier est formateur ».
Formater les enseignantEs
C’est l’employeur, l’Éducation nationale, qui va reprendre la main sur la formation. Un nouvel arrêté Master MEEF (applicable dès septembre 2019) est en train d’être adopté. Dans les documents d’accompagnement, le terme « fonctionnaire stagiaire » (pour ceux qui sont admis aux concours en fin de M1 actuellement) a disparu, remplacé par « étudiants en stage ». La part des stages en responsabilité va être augmentée, passant de 20 ECTS sur 60 actuellement en M2 à 40 ECTS. Le tout accompagné par une novlangue issue du management : « lesson study », « micro-enseignement », etc. Sous couvert de « prérecrutement » et de renforcer « l’attractivité du métier », les étudiantEs vont se retrouver dès la L2, sans formation, devant des élèves, pour un salaire dérisoire. Les bourses universitaires sont même présentées comme un moyen de rémunération des AED (assistant d’éducation, c’est-à-dire surveillantEs), qui se retrouveront à tiers temps devant des élèves pour moins de 300 euros par mois… D’ailleurs, les rectorats de Lyon, Grenoble, Clermont… mettent en place actuellement un partenariat avec le CNED pour pouvoir assurer les remplacements des profs absents par les AED.
Enseigner est réduit à des tâches d’exécution (mettre des élèves devant un logiciel d’apprentissage, appliquer la méthode d’apprentissage de la lecture imposée par le ministère) et non de conception. Il ne s’agit plus de former les futurEs enseignantEs mais bien de les « formater », de réduire encore ce qu’il reste de liberté pédagogique.
Contractualisation et la casse du statut
L’autre objectif de cette réforme, clairement affiché dans CAP 22, est de supprimer massivement des postes dans la fonction publique. Blanquer l’a confirmé la semaine dernière, déclarant au Parlement que « la vocation du concours enseignant est qu’il se déroule en M2 », soit un an plus tard qu’actuellement, où le concours est en M1. Cela permettra de supprimer 25 000 postes de fonctionnaires stagiaires d’un trait de plume, comme cela avait déjà été fait en 2010 sous Sarkozy.
Et les personnels actuellement dans les Espé, sous statut universitaire, sont également sur la sellette. Blanquer n’arrête pas de marteler que le problème de la formation, ce sont les « pédagogistes » ! Il veut donc qu’au moins un tiers des formateurEs soient devant des élèves. Ce qui veut dire que ces personnels seront plus soumis à la hiérarchie de l’Éducation nationale. L’employeur décide du contenu de la formation, choisit les formateurEs et les directeurEs des Espé/INSP : la fin de l’universitarisation. D’ailleurs il est écrit dans l’arrêté que les formations et l’évaluation des enseignantEs pourront être assurées par des organismes extérieurs…
Tout ceci va favoriser la contractualisation et la casse du statut. Lors d’une réunion au ministère de l’Éducation nationale, il a ainsi été confirmé que le référentiel de formation initiale va aussi s’appliquer aux futurs néotitulaires, avec des injonctions de plus en plus nombreuses sur les enseignantEs. Le ministère s’appuie sur le fait, pour justifier sa réforme, que la formation actuelle n’est pas satisfaisante, en particulier pour les étudiantEs et stagiaires. Mais au lieu d’améliorer la formation existante, le gouvernement va détruire ce qu’il en reste. Il y a urgence à résister touTEs ensemble, étudiantEs, stagiaires, formateurEs, enseignantEs à cette destruction programmée.
Antoine Boulangé (formateur Espé Paris)