Les stagiaires sont pénaliséEs par la situation, parce que leur formation est déstructurée, leurs classes sont difficiles à suivre, leurs formateurs, impossible à voir. Selon les académies, ils sont parfois soumis à la pression de devoir rendre leur mémoire, alors que leur apprentissage a été fortement bousculé. À la rentrée de septembre, les besoins vont être importants dans l’Éducation nationale pour que les élèves rattrapent leur retard et reprennent des habitudes de travail. Il serait donc logique de recruter massivement pour faire face à ces difficultés et donc, tout concoure à une titularisation massive des stagiaires. Au lieu de ça, il semble que le gouvernement veuille prolonger la période de stage, s’appuyant sur la réglementation actuelle qui prévoit la prolongation des stages du nombre de journées perdues moins 36 jours (10% de l’année).
L’argument éculé contre la titularisation des stagiaires est que la procédure permettrait de filtrer les incompétents et les fous… alors qu’en réalité, comme tout sanction réalisée en peu de temps, elle permet essentiellement de vérifier si les stagiaires se conforment aux désidératas de l’institution et de leurs formateurs.
La pétition reproduite ci-dessous conteste cette façon de faire et revendique la titularisation des stagiaires, elle mérite tout notre soutien !
Pétition pour la titularisation de tous les stagiaires !
La situation que nous connaissons est inédite, et en tant que stagiaires de l’Éducation Nationale, nous refusons d’en subir les conséquences. Le ministère a laissé entendre que tout ou partie des stagiaires pourraient voir leurs stages prolongés jusqu’au 31 décembre. Au vu des divers incidents, indépendants de notre volonté, ayant affecté cette année de stage, nous demandons à intégrer l’Éducation Nationale comme il se doit dès le 1er septembre 2020, et cela même si la visite d’inspection de fin d’année n’aura pas pu avoir lieu et ce, pour plusieurs raisons :
1/ Les enseignements et apprentissages des stagiaires ont bel et bien été perturbés cette année. Tout d’abord, les grèves dans les transports RATP et SNCF, très suivies en Ile-de-France, ont commencé le 5 décembre et ont duré plusieurs semaines. Ces grèves ont amené de nombreux élèves, notamment dans les académies de Paris, Versailles et Créteil, à cesser de suivre les cours au lycée temporairement. Dans de nombreux établissements, nous avons également connu des mobilisations de lycéens contre la mise en place du nouveau baccalauréat et des E3C. Et, plus récemment, le confinement mis en place depuis le 16 mars, et qui se prolongera au moins jusqu’au 11 mai, empêche les enseignants d’assurer leurs cours dans des conditions normales. Toutefois, malgré ces difficultés, nous n’avons cessé d’assurer nos missions et nous avons tenu nos engagements notamment en veillant à la mise en place et au bon déroulement de la « continuité pédagogique » comme l’a souhaité le Ministre de l’Éducation M. Blanquer. Tout cela est un gage de notre investissement et notre implication dans ce métier, alors pourquoi ne ferions-nous pas de bons enseignants ?
2/ Nous avons continué de suivre les formations à l’INSPE, malgré les problèmes de connexion, les gardes d’enfants, le cumul des tâches professionnelles, de formation, domestiques. Certains d’entre nous ont même dû rendre des devoirs ou participer à des regroupements en ligne pendant les vacances scolaires. Le confinement a certes supprimé les cours en présentiel, mais dans bien des cas il semble avoir fait disparaître la frontière entre temps de travail et temps de repos, entre journée et soirée, semaine et weekend, période de travail et congés. Malgré cela, nous rendons nos devoirs, nous participons aux cours, nous rédigeons nos mémoires, alors même que beaucoup s’accordent pour dire qu’il y aurait d’autres priorités dans la situation. Rares sont les INSPE qui ont adapté leurs formations aux préoccupations des collègues, à savoir, comment assurer la continuité pédagogique, comment ne pas être démunis dans le cadre de l’enseignement à distance. Si nous continuons malgré les circonstances d’honorer la mission qui est la nôtre en participant aux formations et en tentant de valider notre M2 ou notre DU, alors pourquoi ne ferions-nous pas de bons enseignants ?
3/ Nous avons assuré parfois avec de grandes difficultés la continuité pédagogique depuis le 16 mars. Du fait de notre statut, nous ne sommes pas forcément les personnels les mieux intégrés au sein de nos établissements, bien qu’il y ait des situations diverses. Beaucoup d’entre nous n’ont reçu que très peu ou pas du tout de nouvelles de notre hiérarchie, de nos collègues, certains n’ont pas été contactés par leurs tuteurs ou leurs inspecteurs. C’est une situation de stress supplémentaire dans laquelle nous sommes plongés puisque nous sommes comme « livrés à nous-mêmes », et que nous devons nous débrouiller avec les moyens du bord pour faire un travail s’apparentant à celui de nos collègues titulaires mais avec une formation encore en cours, et des réflexes qui ne sont pas les mêmes. Malgré tout, nous le faisons, tous les jours, et nous ne comptons ni nos heures, ni notre investissement. Si nous faisons déjà le même travail que nos collègues, tout en étant en autonomie, pourquoi ne ferions-nous pas de bons enseignants ?
4/ Les élèves, comme nous, rencontrent de nombreuses difficultés pour suivre les enseignements à distance. Bien que nous mettions tout en œuvre pour apporter un soutien réel à nos élèves, force est de constater que, malgré tous nos efforts, les enseignements que nous dispensons pâtissent assez largement de la distance : de nombreux élèves ne répondent pas à nos sollicitations et nous ne parvenons pas à joindre certains d’entre eux. Bien souvent, leurs conditions matérielles et techniques, que ce soit d’un point de vue numérique ou tout simplement des moyens financiers ou de logement de leurs familles, ne leur permettent pas d’effectuer les tâches demandées. Nous passons donc du temps à chercher comment maintenir un lien, tenter d’avoir des nouvelles, pour ne pas les « perdre » complètement. Nous corrigeons le travail rendu par ceux qui le renvoient, nous adaptons les exercices en fonction des problèmes rencontrés individuellement. En bref, nous faisons au mieux pour remplir notre mission de service public et garantir un semblant d’équité devant les enseignements dans cette situation exceptionnelle. Si nous sommes capables de faire de la différenciation pédagogique et de faire vivre le lien entre les jeunes et l’institution, alors pourquoi ne ferions-nous pas de bons enseignants ?
Selon le protocole, la titularisation des stagiaires s’effectue par des visites d’inspection, toutefois, celles qui étaient prévues en cette fin d’année scolaire ont dû être annulées ou reportées. Le déconfinement prévu à partir du 11 mai ne devrait pas fondamentalement changer la situation. Un déconfinement progressif permettrait peut-être de procéder à un retour en classe des élèves, mais il ne permettrait en aucun cas un retour au fonctionnement normal de l’institution. Dans tous les cas, les stagiaires ne sauraient être placés dans une situation de stress supplémentaire en gérant la reprise de la classe, la continuité de leur formation, avec des rendus de mémoire maintenus, et des visites d’inspection avec une pression quant à la titularisation. L’Education Nationale a besoin de personnels qui se sont investis dans cette période, pour que les élèves renouent avec la classe, avec leurs camarades, avec les apprentissages. Il y a fort à parier que certains d’entre eux seront traumatisés, tout comme certains personnels. Comment assumer dans ces circonstances, de rajouter de l’incertitude à l’anxiété actuelle ?
C’est pourquoi, en raison des circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous avons dû assurer notre mission d’enseignement durant cette année scolaire, et pour favoriser un traitement juste et équitable de tous les stagiaires, nous demandons que soit garantie la titularisation des stagiaires avant la fin de l’année scolaire, prenant effet au 1er septembre prochain comme prévu initialement. Pour les collègues qui en ressentiraient le besoin, nous demandons le maintien de formation pendant tout ou partie de l’année prochaine, tout en étant titulaires. C’est une mesure de bon sens, que le ministère devrait prendre sans tarder, au risque de voir se dégrader la confiance qui devrait plutôt s’installer entre l’institution et ses futurs agents.
Des stagiaires de : SVT de Paris, Lettres-Histoire-Géo de Toulouse, Lettres modernes et classiques de Toulouse, Lettres-Anglais-Histoire-Géo de Créteil, professeurs des écoles de Toulouse, Lettres-Espagnol de Toulouse (liste en cours de mise à jour).
Contact : stagiairesplp@gmail.com