L’Education nationale ne devrait pas non plus échapper à une tentative de révolution quelque peu sanglante. Mais plus masquée pour l’instant. En écran de fumée : le dédoublement des classes de CP et CE1 dans des quartiers populaires. Soit ! Mais par redéploiement de profs pris ailleurs (et notamment la reconversion du dispositif « plus de maîtres que de classes »). Puis, sans doute par petites touches très « techniques », une réforme structurelle brutale.
Le nouveau ministre, Blanquer, un haut bureaucrate du ministère, qui fut même à peu près son numéro deux (« directeur de l’enseignement scolaire ») dans les trois dernières années de l’ère Sarkozy, quand les suppressions de postes étaient massives, est l’un des théoriciens fanatiques de « l’autonomie des établissements ». Une vieille idée, d’ailleurs retenue par divers programmes et du PS et de la droite, qui signifie d’une part la possibilité pour les établissements (écoles, collèges, lycées) de moduler selon leurs convenances (et donc selon leurs moyens et selon leur public) les programmes, les enseignements, et d’autre part l’autonomie des chefs d’établissements, qui recruteraient et évalueraient eux-mêmes leurs profs.
Sous des dehors bonhommes, peut-être en commençant d’abord par des expérimentations (chez les pauvres, dans les ZEP, pour leur bien…), au nom de la « liberté », du « pragmatisme », de la « souplesse », il s’agit à la fois d’accentuer une forme de concurrence et de hiérarchisation (sociale) entre les établissements, et de soumettre les enseignants, au statut si scandaleusement protecteur, archaïque (des décrets de 1950 !), à la relation de subordination de tout salarié « normal » à son employeur.
Il n’est certes pas possible de privatiser l’Education nationale (pour quel profit ?) Mais il est possible de la faire fonctionner davantage comme un marché, et avec les mœurs du secteur privé. Encore qu’aux marges du système… Le nouveau ministre confiait dans une interview du 17 mai à l’association réactionnaire « SOS Education » qu’il « n’est pas impensable de confier des missions de délégation de service public à des acteurs privés » dans le périmètre de l’Education nationale.
C’est que l’enjeu est de taille : comment supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et faire 60 milliards d’euros d’économies, sans dégraisser le Mammouth ?
Y. C.