Publié le Jeudi 5 mai 2011 à 09h29.

Le Contre-G8 de l’éducation et de la recherche

Depuis sa création en 2008 à Sapporo (Japon), le « G8 des Universités » est marqué par la controverse et l’illégitimité. À Sapporo, lors des manifestations, la police n’a pas hésité à procéder à des arrestations brutales et illégales, dont celle d’un photographe de l’agence Reuters. En 2009, à Turin (Italie), d’énormes manifestations étudiantes ont tenu la police en échec durant plusieurs heures. En 2010, à Vancouver (Canada), les manifestants ont bloqué le bus qui devait conduire les participants à leur dîner pendant plus d’une heure, avant que la police n’intervienne de façon particulièrement brutale. Officiellement, les présidents et les recteurs d’universités rassemblés à ce sommet se réunissent pour formuler des recommandations aux chefs d’État. Il ne s’agit pas d’une initiative émanant des gouvernements eux-mêmes. On peut donc penser que ces sommets constituent l’émanation d’un lobby. Leur but n’est pas, par exemple, de défendre la recherche et l’enseignement supérieur publics : on cherchera vainement la moindre référence à la notion de « service public » dans les programmes. Il s’agit plutôt d’avancer les intérêts particuliers d’une petite caste d’universitaires, tous déjà convaincus de leur « excellence » et des bienfaits de la mise en concurrence. En 2011, c’est la France qui préside le G8/G20 et le « Sommet mondial des universités » était censé se tenir en deux temps, à Besançon puis à Dijon.Les deux présidents censés organiser cet événement, avec la Conférence des Présidents d’université (CPU), sont marqués « à gauche ». L’opportunisme qui a caractérisé leur décision initiale d’organiser ce sommet a vite été tempéré par quelques scrupules. Rapidement, il a fallu se démarquer de ce G8/G20 encombrant, trop controversé et trop associé à la personne de Nicolas Sarkozy. L’invitation a donc été étendue à quelques représentants des pays pauvres d’Afrique et du Maghreb, et ainsi, on pouvait affirmer que ce n’était pas un G8/G20 ! Pourtant, cela ne changeait rien au caractère illégitime, antidémocratique et opaque de ce sommet. Il est d’ailleurs révélateur que l’on n’ait pas prévu que ce sommet, à Besançon comme à Dijon, se déroule à l’université... Localement, les deux présidents de l’université de Bourgogne et de l’université de Franche-Comté, Sophie Béjean et Claude Condé, se sont distingués par leur zèle à mettre en place toutes les politiques impulsées par Valérie Pécresse. Ils ont opté volontairement pour l’autogestion de la pénurie en demandant un passage anticipé aux « responsabilités et compé­tences élargies ». Ils se sont laissé abuser par le mirage du grand emprunt et ont décidé de répondre aux appels d’offre « equipex », « labex » et « idex ». Ils ont démarché les entreprises locales pour qu’elles abondent à une Fondation de coopération scientifique et siègent à son conseil d’administration sans un seul représentant des personnels ou des étudiants. La présidente de cette fondation, Sophie Béjean en l’occurrence, est rémunérée 100 000 euros. C’est peu par rapport au salaire d’un grand patron ! À Besançon particulièrement, tous les postes clés au sein de l’administration sont détenus par le Snesup-FSU qui ne respecte pas le mandat dont il est porteur. La cogestion le conduit sans cesse à passer de l’application des réformes du gouvernement à la défense d’un système auquel il prétend s’opposer dans ses communiqués et professions de foi lors des élections. Dès la rentrée universitaire 2010, un comité d’organisation s’est mis en place à Dijon et Besançon pour organiser un contre-sommet coïncidant avec le sommet lui-même. Ce comité regroupe des étudiants et des personnels des deux universités, avec une majorité de syndiqués. Si, à Dijon, le Snesup s’est fortement investi dans le comité, à Besançon il a préféré s’investir dans le sommet lui-même, au côté de son président. L’essentiel du sommet devant se dérouler à Dijon, il avait été décidé que l’essentiel du contre-sommet aurait lieu à Dijon également. À Besançon, en raison des vacances de printemps, il ne devait y avoir que des actions « symboliques ». Or, coup de théâtre, à moins de quinze jours du sommet, le maire de Dijon, craignant une invasion de « black blocks » dans sa ville, s’oppose à la tenue du sommet officiel ! Matignon accepte et le sommet est déprogrammé. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous savons que le sommet doit avoir lieu à Paris mais nous ne savons pas où. Le contre-sommet, bien sûr, est maintenu (car il a demandé de nombreuses heures de travail).Pour l’inauguration du Sommet des étudiants à Besançon, le 28 avril, le comité avait appelé à un rassemblement sur le Pont Battant, à 200 mètres du musée où devait se dérouler la réception. Emportée par sa paranoïa sécuritaire, la préfecture a organisé une gigantesque opération policière. Des dizaines de fourgons de CRS, des équipements anti-émeutes ont été mobilisés. Pour Besançon, c’était du jamais vu ! La soixantaine de militants réunis sur le pont ressentait une certaine fierté : « C’est nous qui avons provoqué tout ça ?! » Cette fois, les délégués n’ont pas été en retard à leur dîner de gala. Mais la péniche sur le Doubs qu’ils avaient réservée pour cela est restée à quai ! Ordre de la préfecture : les manifestants étant sur le pont, il y avait un risque qu’ils lancent des projectiles. Dommage que le ridicule ne tue pas... Le 29 avril, les pseudo-délégués étudiants se sont réunis pour leur unique journée de travail. Le soir même, la Fage (syndicat étudiant apolitique mais quand même opposé aux blocages et aux manifs), invitée et présente, a publié un communiqué rageur : la déclaration finale qu’ils étaient censés rédiger était déjà prête lorsqu’ils sont arrivés et leur a été distribuée... Il est temps de mettre un terme à cette farce coûteuse !

Michel Savaric, enseignant-chercheur, membre du Comité local d’organisation du Contre-G8 de l’éducation et de la recherche

Le contre-G8 de l’éducation et de la recherche aura bien lieu !

À Dijon, du 4 mai au soir au 7 mai en après-midi se succéderont les ateliers, l’assemblée plénière le samedi matin 7 mai et la manifestation à 14 heure ce même jour, au départ du Campus. Trois axes sont retenus : Pour une éducation émancipatrice tout au long de la vie, Pour une recherche indépendante, critique et au service de toutes et tous, Pour une convergence des luttes en Europe et au-delà. Au total quatorze ateliers sont organisés, dont cinq dénonceront les attaques subies (précarisation, concurrence, privatisation...). Quatre autres ateliers sont consacrés aux réponses alternatives possibles et les derniers mettent en phase l’éducation et la recherche avec la société, l’environnement européen et les luttes. Et il est prévu un appel commun final. Le NPA est partie prenante, notamment pour dénoncer la pensée unique et pour la défense des services publics (en après-midi, jeudi 5 mai et vendredi 6 mai) mais aussi dans les différents débats ainsi que dans la manifestation finale.