Sous pression, la municipalité charentaise a mis fin à la mesure qui stigmatisait les enfants dont les parents n’étaient pas à jour de paiement pour la cantine.
Face à l’indignation suscitée par son action, la ville de Ruffec (Charente, 3 716 habitants) a finalement décidé, fin novembre, de stopper l’opération que l’on pourrait baptiser « les nounours de la honte ». Le but de cette action, dans un contexte économique de plus en plus difficile pour les collectivités territoriales – entre autres ! –, était de repérer rapidement la progéniture des mauvais payeurs de cantine. Le principe ? Sur des écrans à usage interne mais visibles par l’ensemble des élèves et du personnel de l’école, un code couleur gentiment porté par des nounours : un vert en face du nom des demi-pensionnaires dont les parents sont à jour de paiement, un bleu lorsque leur solde s’approche de zéro et un rouge quand ils n’ont pas réglé la facture. Si c’est pas mignon !
En parallèle à cet affichage, des lettres de rappel étaient envoyées aux mauvais payeurs. L’objectif était de résoudre le problème des impayés – qui s’élevaient à 56 000 euros en janvier 2010. Et selon le maire de la ville et président de la communauté de communes, Bernard Charbonneau (divers gauche), ces mesures ont prouvé leur efficacité, puisque sur 460 enfants, 173 étaient en retard de paiement en 2010, et 62 en 2011. Donc, stigmatiser les enfants pousse les parents à mettre la main au portefeuille… Malin… Mais n’est-ce pas un peu pervers ? Même si la municipalité affiche fièrement sa devise en tête de sa page Internet (mairie-ruffec.fr), « Près de tout, prêt à tout », ne serait-il pas plus intéressant d’être un peu moins prêt à tout et de s’attaquer aux causes du non-paiement ?
Les parents d’élèves ont dénoncé cette méthode et ont émis deux propositions alternatives pour limiter les impayés : que le réglement de la cantine soit demandé en début de mois et non le 20, et que le tarif soit calculé en fonction du quotient familial.
Plus largement, cet exemple pose la question du rôle des cantines scolaires. Apparemment, dans la pratique, il ne s’agit pas de permettre que chaque enfant ait accès, au moins quatre fois par semaine, à un repas équilibré.L’organisation de la restauration dans les écoles maternelles et primaires est à la seule charge des communes. Et selon l’Association des maires de France, la participation demandée aux familles couvre entre un quart et un tiers des dépenses. À l’heure de la crise et alors que nombre de compétences ont été transférées de l’État vers les collectivités territoriales, il n’y a pas qu’à Ruffec que les enfants trinquent. Selon lemonde.fr, plusieurs dizaines de communes refusent l’accès de leurs cantines aux enfants de chômeurs, en acceptant en priorité les élèves dont les deux parents travaillent.
Charlotte Dupré