Publié le Mardi 14 octobre 2025 à 10h07.

Les ministres passent, le blanquérisme reste

Huitième ministre de l’Éducation nationale sous Macron, Édouard Geffray connaît bien le ministère parce qu’il en a été le n° 2 pendant plusieurs années : est-il un simple technicien ou la preuve vivante de la continuation de l’ère Blanquer ?

En ces temps de crise politique, écrire un article sur la nomination d’un nouveau ministre relève d’une forme de prise de risque : qui sait si entre le troisième et le quatrième paragraphe, celui-ci n’aura pas démissionné, été renommé à son poste, pour redémissionner ensuite ? Prêtons-nous cependant au jeu, quitte à être obsolètes à peine publié.

Après Blanquer, Ndiaye, Attal, Oudéa-Castéra, Belloubet, Genetet et Borne, Édouard Geffray devient donc le nouveau ministre de l’Éducation nationale, après en avoir été successivement DRH puis directeur de l’enseignement scolaire de 2017 à 2024. Doit-on conclure, comme on peut le lire dans de nombreux articles, que c’est un « technicien » sans idéologie, quelqu’un qui « au moins » connaît bien l’institution et saura ne pas la bousculer ? Cette analyse particulièrement dépolitisante ne résiste pas à un regard plus approfondi sur le profil de Geffray et encore moins à une réflexion sur la continuité de la politique éducative sous Macron.

L’exécutant de Blanquer

Après un bref passage par le centrisme, Édouard Geffray est recruté par Jean-Michel Blanquer, le ministre aussi compatible avec le macronisme qu’avec le lepénisme. Comme directeur des ressources humaines du ministère, il s’illustre notamment en comparant le suicide de la directrice d’école Christine Renon à un accident, « une chute dans un escalier ». Visiblement subjugué par un tel manque d’humanité, Blanquer le nomme deux ans plus tard directeur de l’enseignement scolaire : il est chargé de faire passer en force les réformes du bac et du lycée, contre l’avis des personnels et de l’ensemble des syndicats. C’est aussi lui qui est en poste durant toute la période Covid-19 et la fameuse « continuité pédagogique ». Froid et brutal, notamment dans ses rapports avec les syndicalistes, il est l’exécuteur parfait des œuvres de Jean-Michel Blanquer.

Il arrive même à lui survivre au sein du ministère, puisqu’il reste à son poste sous les cinq ministres suivants. Cela lui permettra d’ajouter quelques réformes à son palmarès : celle des concours, de la voie professionnelle, la poursuite du pilotage par les évaluations en primaire ou encore le fameux « choc des savoirs » qui atomise le collège unique au travers des groupes de niveaux. Et c’est encore lui qui couvre l’affaire Stanislas et le scandale du syndicat « Avenir lycéen ».

Blanquer n’est plus là, son esprit reste

Les sept ministres qui se sont succédé depuis 2022 ont chacun leurs personnalités et il serait faux de considérer qu’elles et ils pensent exactement pareil. On ne saurait mettre un signe d’égalité, par exemple, entre l’historien Pap Ndiaye et le pur produit de la startup Macron qu’est Gabriel Attal.

Mais qu’en est-il de la politique menée ? C’est là que les différences s’amenuisent voire disparaissent complètement. De Ndiaye à Borne, toutes celles et ceux qui ont essayé d’infléchir le train des réformes d’inspiration blanquérienne en ont été systématiquement empêchés. Dernière preuve en date : la réforme des groupes de niveaux au collège. Alors qu’elle ne fait aucun mystère du mal qu’elle en pense, Élisabeth Borne ne s’est jamais autorisée à la supprimer complètement.

Nul ne sait combien de temps Édouard Geffray restera ministre. Mais une chose est sûre : sa nomination, loin de marquer une ouverture ou un apaisement, est la confirmation de l’influence déterminante des années Blanquer sur toute la politique macroniste en matière d’Éducation. Une politique marquée par une vision pédagogiquement réactionnaire et budgétairement ultralibérale. Pas besoin d’attendre que Geffray fasse ses preuves, il faut mettre fin à la valse des marionnettes et renverser, par la rue, une fois pour toutes, le macronisme comme le blanquérisme.

Raphaël Alberto