Publié le Mardi 19 septembre 2023 à 08h54.

« À l’IUT de Lille, enseignantEs du secondaire et contractuelEs cumulés, nous représentons 40 % des effectifs »

Entretien. Depuis la rentrée, de nombreux IUT sont mobilisés contre les inégalités de revalorisation salariale qui touchent les enseignantEs du secondaire affectés dans le supérieur et l’ensemble des contractuelEs. C’est dans ce contexte que nous avons échangé avec Thomas, enseignant à mi-temps en informatique à l’IUT de Lille.

Peux-tu nous parler de ton statut d’enseignant et de tes missions à l’IUT de l’Université de Lille ?

Je suis enseignant à l’IUT de Lille depuis six ans environ, d’abord comme vacataire, puis en tant que PAST (c’est un CDD de 3 ans d’enseignant-chercheur à mi-temps). A côté, je travaille dans le privé en tant que développeur.

Comment le collectif 384 s’est-il constitué et quelles sont ses revendications ?

D’abord je ne suis pas moi-même membre du collectif 384, mais j’ai commencé à suivre leur mobilisation il y a quelques mois, interpellé par des collègues de l’IUT eux-mêmes impliquéEs. En gros le collectif 384 est une association créée en 2022 pour dénoncer les inégalités de traitement entre les enseignants-chercheurs (EC) et les autres statuts d’enseignants du supérieur, notamment les ESAS (enseignants du secondaire affectés dans le supérieur) et les contractuels (non-fonctionnaires, comme moi). Le point de départ du mouvement c’est l’annonce par le ministère d’un nouveau système de calcul des différentes primes pour les EC (avec un montant total pouvant monter à 6 400 euros à l’horizon 2027) alors que les primes pour les ESAS restaient elles très inférieures et que les contractuels n’en ont aucune1.

Lundi 11 septembre, vous avez organisé un rassemblement qui a été assez suivi à Lille et partout en France, quel bilan en tirez-vous ?

À Lille, le mouvement a surtout touché l’IUT où nous avions décidé d’un débrayage des cours de 11 h à 14 h et d’un rassemblement devant le bâtiment, qui a bien marché avec une petite centaine de personnelEs aussi bien des ESAS et des contractuelEs que plusieurs enseignantEs-chercheurEs et BIATSS (personnelEs non enseignants) venus apporter leur soutien.

Cette journée du 11 était surtout un moyen de mettre en avant un mouvement plus large car depuis la rentrée plusieurs établissements sont à l’arrêt ou fonctionnent en mode très dégradé, avec de nombreux collègues qui sont soit en grève administrative soit en grève tout court.

Cette mobilisation rend visibles les inégalités de statut à l’Université notamment entre les enseignantEs-chercheurEs et les autres statuts d’enseignantEs du supérieur (PRAG/PRCE, PAST, contractuelEs ou encore vacataires)…

Effectivement, le slogan « Enseignant du supérieur, pas inférieur » fait référence à cela. Et pour cause : à l’IUT de Lille par exemple, enseignantEs du secondaire et contractuelEs cumulés, nous représentons quand même 40 % des effectifs. Les étudiantEs qu’on a en face de nous ne font pas la différence ! Malgré tout, comme à chaque fois, les collègues sont toujours pris dans le dilemme de ne pas trop pénaliser les étudiantEs, et d’éviter que la charge de travail administrative non faite retombe sur les collègues BIATSS, et forcément ça limite le mouvement. Je pense que le ministère compte évidemment là-dessus. Sinon, en tant que contractuel, je remarque que les discussions tendent à s’orienter uniquement sur les ESAS et à nous oublier. C’est assez flagrant dans la communication du ministère et des présidences d’Universités qui nous invisibilisent totalement. C’est un peu le cas aussi au niveau des syndicats et du côté des collègues : par exemple une pétition a été lancée pour soutenir le collectif mais en ne parlant que des ESAS... Au niveau du collectif 384, seulement les contractuelEs qui réalisent un temps complet d’enseignement (38 heures) sont cités, mais pas les temps partiels, ce qui forcément m’interpelle.

Y a t-il la possibilité de dégager des revendications plus larges et d’ouvrir vers de nouvelles mobilisations des personnels à l’Université ?

Les revendications ont déjà commencé à s’élargir (sur le point d’indice, les progressions de carrières, la précarité, etc.) et les syndicats commencent à soutenir le mouvement (je trouve ce soutien un peu tardif mais mieux vaut tard que jamais). Des préavis de grève ont été déposés pour tout le mois de septembre pour couvrir les collègues qui débrayent, c’est déjà une bonne chose. À l’échelon local, des discussions ont lieu pour mettre à disposition du collectif des moyens syndicaux, ce qui va aussi dans le bon sens.

Reste à voir comment le collectif arrivera à gérer les négociations avec le ministère qui tente déjà de faire passer des modifications de statut en échange de revalorisations de primes...

Propos recueillis par Hélène Marra