Vendredi 19 mars, deux coups de feu retentissent aux abords du lycée professionnel et technologique Jules-Verne (Mondeville, agglomération de Caen, Calvados). Un élève a pressé la détente d’un pistolet d’alarme. Son geste vise à intimider un camarade. Mais dans le vase déjà trop plein des griefs de l’équipe, il pousse celle-ci à passer à l’action : cette fois, trop c’est trop.
Un droit de retrait est déposé dans l’après-midi et reconnu aussitôt. Pour autant, un vrai bras-de-fer s’engage. Le rectorat ne conteste certes pas ce premier droit de retrait, mais il minimise les faits et pousse à la reprise du travail immédiate. Cependant, les acteurs qu’il a envoyés jouer cette comédie ne sont pas à la hauteur. Son Monsieur Sécurité se fait renvoyer dans les cordes lorsqu’il propose une formation pour apprendre à distinguer les armes à feu. Quant à David Marie, proviseur de vie scolaire à qui Mediapart a offert son heure de gloire en révélant son rôle dans la création du faux syndicat lycéen blanquérien Avenir lycéen, il lui semble bizarrement plus compliqué d’accepter les embauches réclamées par l’équipe que d’arroser quelques jeunes de dizaines de milliers d’euros.
AG quotidiennes
Les revendications sont connues depuis longtemps : il manque a minima trois surveillantEs (AED) et un conseiller principal d’éducation (CPE) ; un poste qui existait encore il y a quelques années. Les moyens actuels ne permettent pas d’assurer un fonctionnement normal : chaque jour, trois à quatre AED doivent surveiller les cinq hectares d’un établissement aux multiples recoins, et les agents d’entretien nettoient chacun environ 1 800 m².
Alors tous les matins, les personnels – surtout des profs – mobiliséEs se retrouvent à la grille à 7 h 30. Ils savent que leur lutte, même couverte par le droit de retrait, peut être tenue pour une vraie grève par la hiérarchie et leur valoir des pertes de salaire. Mais tous les jours, ils et elles distribuent des tracts aux élèves, puis tiennent une AG avant de travailler par groupe tant sur la conduite de la lutte que sur la communication à l’extérieur ou encore la réflexion sur comment changer concrètement et à court terme tout ce qui dysfonctionne au lycée. Si la plupart des cours n’ont pas lieu, les collègues ne chôment pour autant pas !
Mais, face à elles et eux, la rectrice Christine Gavini-Chevet, camarade de promotion de Macron à l’ENA, refuse tout, y compris d’indiquer à quelle date elle daignera accorder l’audience réclamée par l’équipe. Ce qui n’empêche pas ses services de prétendre à la presse qu’un dialogue a lieu.
Solidarités des collègues, recul du rectorat
Le vrai dialogue, c’est avec leurs collègues de l’agglomération de Caen que les Jules-Vernistes en lutte l’ont. Du jeudi 24 mars au jeudi suivant 1er avril, plusieurs dizaines de profs extérieurs à Jules-Verne viennent à tour de rôle au piquet de 7 h 30 les soutenir. Lundi 29 mars, jour délicat puisqu’il s’agit de repartir pour une deuxième semaine de bagarre, ils sont une quarantaine présents. Cela compte pour motiver les hésitants de Jules-Verne. Et de plus loin viennent des photos où des dizaines d’enseignantEs affichent des messages d’encouragement. Les liens tissés l’an dernier pendant la grève contre la réforme des retraites et le bac Blanquer ont été réactivés avec succès.
Mercredi 31 mars, l’inspection d’académie convoque une réunion où elle annonce qu’elle cède sur la moitié des postes revendiqués. Certes, ces moyens ne sont accordés que pour la fin de l’année. Mais au début de la lutte, il n’était question que de fractions de ces postes, et pour un mois seulement ! Surtout, les enseignantEs en lutte imposent leur protocole de reprise des cours. Quant aux retraits sur salaire dont la hiérarchie les menace en dépit de trois droits de retrait déposés, ils ne manquent pas d’arguments pour les contester.
Jeudi 1er avril, c’est avec café et viennoiseries que le dernier piquet a réuni les Jules-Vernistes et leurs soutiens. ConscientEs que le rectorat a mangé une partie de son chapeau. Et qu’il reste l’autre à lui faire avaler.